Trop en retard pour arriver au Canada avant l’hiver en suivant le sentier officiel, je me lance sur la première partie du détour de Big Sky qui réduit un peu la distance totale. Je traverse de belles montagnes, de grandes plaines désertiques, les tendinite font leur retour, et je trouve un moyen d’avoir de nombreuses bières !
Jour 128 : mile 2039,6 – West Yellowstone
Je me lève à 5 heures après une petite nuit, pour être sûr de quitter le campement avant que quelqu’un ne me voit. Direction le McDo pour profiter du wifi. J’y reste jusqu’à 11h, engloutissant un burger occasionnellement. Velveeta et Long Stride arrivent finalement en ville. On fait quelques courses, une lessive et une douche dans une chambre d’hotel qu’on partage à 3. Ça faisait 14 jours sans me laver, je vous laisse imaginer les odeurs !
J’ai pu essayer quelques genouillères mais aucune ne m’allait. J’ai pu récupérer mes nouvelles chaussures mais… La semelle externe possède une correction qui vient augmenter la correction de mes semelles orthopédiques. Impossible de les utiliser, encore une fois. La paire que j’avais essayé était déjà bien usée et je n’avais pas ressenti ça. Je vais devoir, encore une fois, continuer avec mes chaussures actuelles… Il n’y a pas de choix dans le magasin de la ville, donc je décide d’acheter en ligne une nouvelle paire de celles que j’ai actuellement. Je ne les aime absolument pas, mais au moins, je sais qu’elles fonctionnent. J’ai tout de même une section de 6 jours à faire avec mes anciennes.
Jour 129 : lac West Fork Watkins
On profite d’avoir un bon lit pour dormir jusqu’à 9h. Puis direction le magasin pour un ravitaillement de 6 jours. On s’est ensuite dirigés vers le bureau de poste car Velveeta devait envoyer un colis. Juste avant d’y arriver, un homme nous interpelle depuis le garage automobile. Il s’agit de Craig, le père d’un randonneur de 19 ans qui a fait l’appalachian trail (AT) en 2019. Il est tellement content que son fils ait pu avoir de l’aide de parfaites inconnus quand il en avait parfois le plus besoin pendant son aventure, qu’il a envie de rendre la pareille, et se propose d’aider tous les randonneurs qu’il croise. Il propose de nous redéposer sur le sentier quand on est prêt. Un sacré coup de chance ! Pendant le trajet, Velveeta de rend compte qu’il a rencontré le fils en 2019. Sacré coincidence !
À midi, on s’apprête à faire nos premiers pas quand, dans le sens inverse, une voiture klaxonne et on entend crier : le petit groupe était dans la voiture et allait rejoindre la ville, et probablement y passer une nuit. Ils ont réussi à rattraper une journée de retard !
On commence à marcher, chacun à notre rythme. C’est d’emblée une montée jusqu’à atteindre une petite plaine. Là, je fais un bisou au panneau du CDT et je coupe à travers champs, quittant le sentier pour une bonne dizaine de jours et commençant le raccourcis de Big Sky. Une dizaine de minutes de hors sentier et je rejoins une route de terre que je suis, montant jusqu’au pied de belles falaises. Redescente ensuite le long d’un petit cours d’eau, retrouvant de la forêt. Je dois ensuite couper à nouveau un pan de forêt sans sentier. C’est un peu plus compliqué car il y a beaucoup d’arbres morts et de végétation, ainsi que deux cours d’eau. Il m’a fallu une bonne vingtaine de minutes pour m’en sortir et faire les 500m pour rejoindre un sentier de randonnée.
De là, j’entame une longue mais assez graduelle montée le long d’un autre cours d’eau, jusqu’au col. C’est un bon 5km de montée au totale, pendant lesquelles il se met à pleuvoir, bien évidemment, avec rafales de vent et orage. J’ai pu voir quelques grenouilles sur la route, c’était sympa.
La dernière ligne droite de la journée est sur une étendue d’herbes hautes, sans sentier, et assez raide. Mais juste avant de rentrer dans la forêt, je me retourne et j’ai une très belle vue sur une petite partie du parc de Yellowstone et sur le lac Hebgen. J’atteins ensuite une petite clairière avec un petit lac. J’attend que la pluie cesse et je monte ma tente en plein vent. Je me réfugie dedans. Quelques minutes plus tard, le vent se calme, Velveeta et Long Stride arrivent au camp. Les emplacements ne sont pas vraiment plats mais bon, on va faire avec.
N’étant plus sur le sentier officiel, je ne peux pas utiliser mon application pour savoir la distance parcourue sur la journée. J’estime avoir fait 14 a 15 miles aujourd’hui. Mais du coup, je ne pourrai que donner les endroits où je dors, pas les distances.
Jour 130 : Beaver creek Trailhead
J’ai été réveillé vers 23h30 par une grosse pluie et un orage juste au dessus de moi. Le tonnerre faisait vibrer ma tente et mes organes. Je n’étais pas le point le plus haut car il y avait un sommet juste à côté, mais j’étais tout de même dans une petite plaine donc ce n’était pas rassurant.
Au matin, je range ma tente trempée et j’entame la longue descente jusque dans la vallée. Mon genoux gauche commence à faire des siennes une fois de plus. Puis c’est mon mollet gauche qui me fait mal à nouveau, comme le jour où j’ai traversé la frontière avec l’Idaho. Enfin, alors que je marchais le long d’une route, c’est le tendon de la cheville gauche qui passe d’une simple gêne à une vraie douleur, comme la tendinite que j’ai eu dans l’état du Nouveau-Mexique. Je fais tout ce qui m’est possible de faire. Je masse, étire, compresse, j’élève mes pieds à chaque pause, je fais de plus en plus de pauses, je met des crèmes… Rien ne fait suffisamment d’effet.
Le long de la route, il y avait un magasin qui annonçait vendre des bières fraîches. Vu la chaleur et l’effort que j’étais en train de faire, je me suis permis un petit plaisir. Ça m’a aussi rappelé le panneau que j’avais préparé en ville qui dit « Vous avez une bière ? » et que je voulais accrocher à mon sac lors des passages sur les routes bitumées. Je l’accroche et je reprend la route. Une voiture s’arrête et m’offre une bière. Puis une seconde. Puis une cinquième.
L’alcool a fait disparaitre une grosse partie des douleurs, et je savais que c’était à double tranchant. Nous, randonneurs, sommes connus pour très souvent « marcher une douleur », en espérant qu’elle finisse par disparaître. Et force est de constater que c’est très souvent le cas. J’espérais donc me réveiller le lendemain comme si de rien n’était. J’ai par contre arrêté de marcher à 2km d’où j’avais prévu car il se faisait tard. Velveeta était avec moi mais Long Stride était devant.
Lors des derniers kilomètres, j’ai été accompagné par un élan et son bébé qui marchaient le long de la route. Ils sont venus jusqu’au campement le soir et nous ont observé pendant qu’on mangeait du nutella sur des tortillas.
Jour 131,132,133 : Whitehall
J’ai été réveillé en pleine nuit par les élans qui passaient à quelques mètres à peine de ma tente. En me levant le matin, je n’ai pas été très étonné par l’état dans lequel j’ai retrouvé mes jambes. Il était clair que je devais prendre quelques jours de repos et que je ne pouvais plus utiliser ces chaussures pour la suite de mon aventure. J’ai donc commencé à marcher le long de la route que j’avais remonté la veille. Trois voitures sont passées mais n’ont pas jugé que j’avais besoin d’aide, même en me voyant boiter. La quatrième voiture était la bonne !
Marc, un passionné de radio indépendante, erreur venu passer la nuit « off the grid » dans les montagnes. Il habitait à Bozeman, mais était prêt à prendre l’autre route pour me déposer à Ennis. Il a lui même fait pas mal de stop dans sa jeunesse et sait à quel point ça peut être compliqué parfois. Finalement, j’ai décidé sur le tas d’aller à Whitehall, un peu plus loin et presque sur la route, car il y a un endroit où les randonneurs peuvent dormir, faire une lessive, et une douche gratuitement. Il était tellement intéressé par les discussions qu’on avait qu’il m’a poussé jusqu’au bout ! J’ai par contre oublié dans sa voiture l’un de mes écouteurs et la casquette que j’avais depuis le PCT.
En ville, je me rend compte que le garage de la mairie, où j’étais censé pouvoir m’installer, était fermé pour tout le weekend. J’ai fait le tour des magasins et bar à la recherche de quelqu’un qui aurait le numéro de la maire mais personne n’a su m’aider. J’ai donc installé ma tente sur l’herbe à l’arrière du bâtiment pour deux nuits.
Lors de la première nuit, il y avait un mariage pas très loin, et la musique était si forte que je n’arrivais pas à dormir, même avec des écouteurs. Je me suis donc levé et j’ai marché en direction du son. Je suis passé derrière des garages, j’ai traversé la voie ferrée, et je suis rentré dans la propriété. J’étais tout sale et puant, entouré de personnes bien habillés (et très éméchés) ! J’ai parlé avec deux trois personnes pendant qu’un karaoké bourré était organisé. Au final, on m’a dit de me servir en boisson. J’ai pris quelques bières, quelques sodas, et je suis retourné à ma tente. Le culot, ça paie !
J’ai passé les deux journées suivantes à ne pas faire grand chose. Étirements, massages, ukulélé, siestes, et quelques vidéos sur Internet, mais je n’avais pas accès au wifi. Le matin de la troisième journée, il y avait des personnes dans la mairie, j’ai donc enfin pu rentrer, faire une douche, une lessive, et… J’ai continué à ne rien faire.
Jour 134 : Ennis
Velveeta arrivait à Ennis aujourd’hui, de même que mes nouvelles chaussures ! J’ai donc commencé à faire du stop vers le sud pour rejoindre la ville. Il y avait très peu de trafic. Après une heure d’attente, j’ai changé d’endroit et je me suis mis à l’entrée de l’autoroute I-90. Là, Hope, qui allait au travail, m’a proposé de me déposer à Cardwell, où je devrai avoir un peu plus de chance. J’ai volontiers accepté. Elle m’a déposé sur la route à quelques 80km encore de ma destination finale. En plein soleil, je fais du stop sur cette nouvelle route qui n’a pas beaucoup plus de trafic. Il est 13h, il fait maintenant 38 degrés. Je m’assoie entre chaque voitures tant le soleil m’assome et elles se font rares. Après près de 3h d’attente, un touriste si allait vers Yellowstone s’arrête, m’offre une bouteille d’eau fraîche et me prend en stop jusqu’à Ennis.
Je récupère enfin une nouvelle paire de chaussures. C’est le même modèle celles que j’ai actuellement, et je les déteste, mais au moins, je sais qu’elles me vont. Je rejoins Velveeta pour un milkshake et je découvre avec joie que le groupe a réussi à rattraper le retard ! Je retrouve donc tout le monde, sauf Cool Whip qui a décidé de suivre le sentier officiel malgré le retard qu’on avait.
On partage à 7 une chambre d’hôtel pour 2. Je n’ai pas demandé mon reste et je me suis écroulé de fatigue alors que tout le monde parlait autour de moi, lumières allumées.
Jour 135 : lac Upper Sureshot
J’enchaîne quelques glaces et muffins avant de quitter la ville. J’ai fait du stop avec Wildman pendant qu’une partie du groupe attendait un colis et l’autre partie a décidé de passer cette section car ils n’étaient pas en forme. Après quelques minutes d’attente, une femme a klaxonné derrière nous. Elle habite sur le sentier même et proposait de nous y déposer.
De là, on a entamé une montée sur une route de terre bien exposée au soleil. Il faisait 37 degrés. On a fini par faire une pause à l’ombre en mettant bien en évidence le carton sur lequel on demande s’ils ont de la bière. Une voiture passe, fait marche arrière et nous donne 5 bières, 3 sodas, deux pommes, des chips, popcorn et du chocolat… On n’aurait pas pu rêver de mieux !
Après une longue pause à profiter de ces mets, on fait la dernière ligne droite jusqu’au lac. On s’installe sur une presqu’île entourée d’une eau parfaitement transparente. C’était d’ailleurs très tentant de faire une petite baignade. Vu la température, elle était indispensable !
La moitié du groupe a réussi à atteindre le campement avant la tombée de la nuit. On a chanté pendant que je jouais du ukulélé, mangé une quantité astronomique de Nutella, et c’était l’heure de nous coucher.
Jour 136 : Bear Gulch
Comme tous les matins, je me lève, je range mes affaires dans ma tente, je ferme mon sac, puis je plie ma tente, et je me retrouve à chercher mes sardines car elles sont stockées dans un petit sac vert. Sauf que ce matin, même après 20 minutes de recherche, impossible de mettre la main dessus alors que je les aient rangés dans le petit sac quelques minutes plus tôt. Le sac étant de la même couleur que l’herbe, c’est un challenge à chaque fois de ne pas les perdre. On a cherché à 4 les quelques mètres carrés autours desquels j’étais positionné mais impossible de les trouver…
Je commence à marcher à travers champs, montant jusqu’à un petit col. De l’autre côté, c’était une forêt dense et pleine d’arbres morts tombés les uns sur les autres. C’était un calvaire d’avancer là. Je me prenais des branches de partout. J’ai fini par retrouver le chemin après une longue heure de marche. De là, c’était une petite descente le long d’une rivière, passant à côté de nombreux troupeaux de vaches.
Je ne me sentais pas très bien ce matin. Pas le moral, pas vraiment envie de marcher. La température a vite augmenté lorsque le soleil est passé au dessus de la montagne. Ça n’a pas aidé le moral.
J’étais parti sur une montée de presque 1000m, bien exposée au soleil. En sortant un peu de la forêt, j’ai eu les premières vues sur les monts alentours; de hauts pics de granite entassés les uns sur les autres, un peu comme les Alpes françaises. J’ai fait la montée d’une traite. C’était long et fastidieux, mais j’ai eu une très belle vue sur les mines et les montagnes de l’autre côté. En plus d’avoir un peu de vent, il y avait un coin d’ombre dans lequel j’ai mangé mon repas du midi.
Pour me donner un petit coup de fouet, j’ai pris une pilule de caféine juste avant d’entamer la descente. Cette dernière était beaucoup trop raide. Un mélange de graviers et de grosses pierres sur lesquelles je glissais régulièrement, me retournant à deux reprises le genoux gauche. C’était si raide et si long que j’ai du faire 3 pauses car mes genoux j’en pouvaient plus. À priori, ça a été le cas pour tout le groupe, ce qui est plutôt rassurant.
J’ai atteins la route de terre que je devais suivre jusqu’au bout avant d’atteindre le campement. J’ai accroché mon carton qui réclame des bières à l’arrière de mon sac et j’ai commencé à marcher. Une voiture est arrivée de face. J’ai fait un grand sourire, un petit coucou, puis je me suis retourné pour montrer ma pancarte. L’homme s’est arrêté et m’a donné deux canettes d’eau pétillante. Un peu plus loin, une seconde voiture, qui m’a offert deux bières bien fraîches. J’aime cette petite affiche !
Mes genoux allaient mieux, mais mes tendons aux deux chevilles devenaient de plus en plus douloureux. J’avais beau masser, faire des pauses, étirer et tremper les jambes dans les sources froides, rien ne calmait la douleur. Malgré 4 à 5 jours de pauses, mon corps ne semble toujours pas prêt à continuer l’aventure. Si proche de la fin… Je verrai comment je me sens demain.
En arrivant au campement, Wildman a mis sa pancarte demandant de la bière le long de la route. Une voiture est passée une fois sans s’arrêter et est revenue quelques minutes plus tard avec six bières, des fruits et légumes frais, des barres de céréales et des bretzels. C’était comme Noël ! Au final, les vues étaient un peu gâchées aujourd’hui à cause d’un grand feu dans l’Idaho qui créer une sorte de brume. Au soir par contre, on a tous dormis à la belle étoile les uns contre les autres car il n’y avait pas beaucoup de place. C’était plutôt fun !
Jour 137 : Whitehall
Début de journée vers 6h30 pour une longue montée d’environ 900m. Elle n’était pas particulièrement compliquée, et c’était plaisant de remonter cet espèce de canyon jusqu’à un col de montagne juste au dessus de la limite de la forêt. De l’autre côté, c’était assez plat et sec au loin, où je devais aller pour faute du stop jusqu’à la ville. J’avais par contre une descente assez raide à faire avant d’y arriver. Elle était peu intéressante car en pleine forêt, mais au moins j’étais à l’abris du soleil qui commençait à sérieusement taper.
Les tendons de mes deux chevilles ont rapidement été douloureux. J’ai mis de la crème anti-inflammatoire, enfilé mes chevillères de compression, et j’ai essayé de ne plus y penser.
J’ai fini par atteindre le plateau très sec et exposé au soleil. Il faisait 38 degrés, ombre très occasionnelle. Mon seul moyen de ravitailler en eau était de bidouiller les arroseurs automatiques des champs voisins. J’ai fini par faire une petite pause sur sous l’un des rares arbre. Une seule et unique voiture est passée sur cette longue route désertique. J’ai réussi à user de mon affiche et à récupérer deux bières pour le reste du chemin !
Arrivé à l’intersection, un bus s’est arrêté. Le conducteur venait de déposer le dernier enfant chez lui et retournait à Whitehall, notre destination. Il a proposé de nous y déposer. C’était vraiment sympa d’être dans un bus scolaire américain ! En ville, direction le KFC puis le garage de la mairie où j’avais déjà séjourné quelques jours.
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