La section dans la foret de Bob Marshall était très belle, mais ce n’était à propri rien par rapport a cette dernière section qui m’attendais, celle du parc national des Glaciers. Une section à couper le souffle, avec des rebondissements de situation et beaucoup d’émotions.
Jour 160 : mile 2887,1 – East Glacier Park
Réveil très matinal pour aller acheter nos permis pour le parc national des Glaciers. The Austrian nous conduit jusqu’à Two Medicine où on attend quelques minutes que la ranger station ouvre ses portes. On arrive à recupéré presque le permis qu’on voulait. Seul l’un des campements que j’avais prévu n’est pas dispo donc on doit se rabattre sur un autre ajoutant quelques kilomètres à l’avant dernière journée. On a du scinder le groupe en 2 car les groupes sont limités à 4 personnes. Ainsi, les deux dernières nuits, nous ne serons pas tous ensemble.
Pour eviter de faire une très grosse journée le premier jour, on a eu la bonne idée de vider nos sacs à East Glacier Park et de rentrer de Two Medicine à l’auberge de jeunesse avec des sacs très légers. Comme les permis sont valable 24h après avoir été achetés, c’était aussi un moyen de ne pas perdre une journée à ne rien faire. Ainsi, on a marché les 10,8 miles, vers le sud.
Le sentier commence par une longue montée de presque 1000m de dénivelé positif, progressivement surplombant le lac de Two Medicine et offrant des vues spectaculaires sur les montagnes alentours. Au sommet, il y avait un petit sentier qui montait jusqu’à une pointe. J’y suis allé avec Wildman et quelle vue ! Ce n’est que l’entrée du parc et c’est déjà si impressionnant, j’ai hâte !!
Ensuite, c’était une longue descente jusqu’à l’auberge de jeunesse, progressivement quittant la montagne sur laquelle on était. De retour en ville, des étoiles pleins les yeux, on a eu la surprise d’avoir une énorme assiette de spaghetti bolognaise préparée par The Austrian. Quel repas festif !!
Jour 161 : mile 2901,3
Après une assiete de spaghetti bolognaise pour le petit-déjeuner, The Austrian nous dépose à Two Medicine aux alentours de 9h30. Une fois de plus, nous devons faire des au revoirs car la plupart du groupe ne le reverra pas. C’est toujours un moment difficile. Mais c’est une rencontre qui marque, comme de nombreuses autres lors de ce genre d’aventure.
On se met en route et après 5 minutes de marche, on tombe sur Dan, que j’avais rencontré sur le PCT en 2016. Il avait ramené des donuts et nous attendait pour ouvrir les festivités. Que le monde semble petit quand on retrouve comme ça, au milieu de nul part, des personnes que l’on a pas vu depuis des années ! On passe un moment avec lui puis on se met en route. La moitié d’entre nous avions prévu de faire un détour qui ajoute un peu de distance et beaucoup de dénivelé positif, mais qui offre une vue bien plus impressionnante : le détour du col de Dawson. Le sentier commence en suivant le bord du lac, puis entame une longue montée jusqu’au col. C’est de plus en plus raide, et lorsque je passe au dessus des arbres, le soleil tape fort et les 26 degrés se font ressentir. C’est fou comme les températures changent vite ici !
Pendant cette montée, j’ai du prendre une pilule de caféine, ce que je n’avais pas fait depuis longtemps, mais la température, la raideur de la pente, et les 18kg de mon sac bourré de nourriture et de quoi célébrer la fin, me pousseront à en prendre une. Oui, c’est la toute dernière section. Pour fêter ça, j’ai prévu de quoi faire de bons hot-dogs, j’ai un litre de coca, un demi litre de vin rouge et une petite bouteille de whisky. Ça pèse vite dans le sac, et c’est du poids qui ne disparaîtra malheureusement pas avant la fin.
Au col, je suis subjugué par la beauté des paysages. D’immenses montagnes aux falaises impossibles et dramatiques, des sommets tous plus pointus les uns des autres, et des glaciers un peu partout ajoutant une pâte de blanc sur ces roches rouges, grises et jaunes. C’est impressionnant. Le silence qui règne en haut ajoute une touche de solitude, de paix, et de beauté à cet environnement qui n’a rien à envier à la section jusqu’alors préférée : la Wind River Range. On est sur un tout autre niveau de beauté !
Le sentier suit la crête puis longe la falaise sur un chemin parfois très étroit. C’est très plaisant de le suivre, et le vide à ma gauche ajoute un petit degré de danger et d’excitation, tout en restant acceptable. Mes tendons commencent par contre à me faire mal à ce moment, donc j’avale un autre Doliprane et je continue ma route. Une fois avoir atteint le bout de cette balade, je redescend jusqu’à retrouver le sentier officiel. Je tombe à cours d’eau mais le sentier redescend jusqu’à deux lacs. Lors de cette descente, je remarque quelque chose d’anormalement marron au pied d’un glacier. Je fais une photo avec un gros zoom et… Un grizzly !! Le tout premier que j’arrive à voir de suffisamment près pour en faire une photo, tout en étant assez loin pour ne rien risquer. Que d’excitation ! Je suis si content d’en avoir vu un. C’était le dernier animal sur la liste de ceux que je souhaitais absolument voir pendant cette randonnée !
Au lac, je bois une bonne quantité d’eau pour rattraper l’heure sans boire, et j’enchaîne sur la dernière ligne droite jusqu’au campement. Passage à nouveau dans une forêt automnale, puis à côté d’une petite cascade, pour enfin atteindre le campement, beaucoup trop petit pour installer toutes les tentes. La moitié du groupe dormira à la belle étoile tandis qu’on installera nos tentes sur les contours. Le repas, on le mangera à l’endroit dédié pour. Il y a beaucoup d’activité d’ours, surtout à cette époque, quand ils cherchent à manger autant que possible avant d’hiberner, donc on doit prendre beaucoup de précautions avec tout ce qui a une odeur. Je dois avouer que ça ajoute un certain stress.
Jour 162 : mile 2926,1
Premiers pas vers 7h alors que le ciel commençait à peine à s’éclaircir. Au programme de la journée, presque 45km et un total de 1300m de dénivelé positif. Une grosse journée ! J’entame la première montée de 800m. Un peu avant que j’atteigne le col, le soleil a commencé à éclairer tous les sommets environnants d’une belle lueur orangée puis jaune. C’était magnifique ! Puis j’ai croisé des chèvres des montagnes, dont certains encore tout jeunes. Enfin, j’ai atteint le sommet et pu profité d’une incroyables vue sur les deux vallées, avec les glaciers et les immenses falaises et crêtes. J’étais aussi à quelques mètres du sommet « Triple Divide », qui est à ma connaissance la seule montagne au monde dont l’eau qui y coule rejoint trois océans différents en fonction de la face de la montagne.
La montée était longue, mais peu douloureuse. Néanmoins, en commençant la descente, mes chevilles ont commencé à faire des leurs. J’ai aussi fait un faux mouvement qui a relancé les douleurs que j’avais eu précédemment au genou gauche. Pour réussir à tenir la journée, j’ai du augmenter ma dose d’ibuprofène à 9 comprimés et 4 Dolipranes. C’est très bientôt la fin, si je dois finir à la codéine, je le ferai, ce ne serait pas la première fois.
Le reste de la journée était assez ennuyant, traversant de très longues sections de forêt brûlées. Au début, c’était intéressant, mais c’est vite devenu répétitif et sans vues, jusqu’à atteindre le lac de Sainte Mary que j’ai suivi sur de nombreux kilomètres. C’est un beau lac bordé de grandes falaises abruptes. La marche le long du lac est par contre un peu fastidieuse. Un enchaînement de petites montées et descentes trop courtes pour que le corps se mette en mode automatique, mais assez longues pour faire bruler les mollets et casser le rythme respiratoire.
Vers la fin du lac, j’ai pu traverser quelques beaux ponts suspendus et admirer quelques cascades. Alors que je venais de passer la dernière cascade, écoutant un podcast d’une seule oreille, un énorme élan mâle est sorti de la forêt à une vingtaine de mètres de moi. On a tous les deux était surpris et avons fait un saut en arrière. Il s’est par contre laissé prendre en photo. Une sacrée bestiole avec ses bois ! J’ai marché quelques minutes avec mon spray dans les mains au cas où.
J’ai atteins le campement à 20h, utilisant ma frontale pour le dernier quart d’heure. J’étais sur les rotules après cette très grosse journée, mais vraiment fier de moi d’avoir réussi à faire cette distance avec ce genre de dénivelé.
Jour 163 : mile 2949,2
Je n’ai pas les mots pour décrire cette fabuleuse journée, donc je vais vous mettre quelques photos. J’ai marché le long d’une route, probablement la plus belle que j’ai pu voir jusqu’à maintenant. Avec le levé de soleil, c’était magique. Et si ce n’est un passage sous un tunnel, ce qui était assez dangereux, c’était vraiment sympa. De là, j’ai bifurqué sur le sentier Highline qui suivait quelques falaises et pans de montagne dans un environnement des plus fabuleux. Il y avait beaucoup de randonneurs sur la journée, donc c’était un peu ennuyant de devoir sans cesse se laisser passer les uns les autres, mais rassurant de voir que j’avais un bon rythme. Au final, après presque 1800m de dénivelé positif casi-constant, j’ai atteins une cabine qui surplombait toute la vallée.
J’ai eu un peu de réseau, et j’en ai profité pour remplir les papiers administratifs pour pouvoir entrer au Canada. J’ai aussi regardé la météo, et je n’aurai pas dû. Alors qu’il était censé faire un temps magnifique jusqu’à dimanche, sachant que je traverse la frontière vendredi, les prévisions ont complètement changé. Ainsi, Ils prévoient de gros orages demain dès 3h du matin, de grosses averses toute la journée vendredi quand j’atteindrai le frontière, et de la pluie jusqu’à samedi après midi. J’étais dépité. Je voulais juste un peu de soleil le jour où j’allais atteindre la fin de mon aventure, pour avoir de belles photos et pouvoir en profiter un peu. Mais non, ça n’arrivera pas, je vais juste être misérable pendant les deux derniers jours. Ça résume plutôt bien ce sentier.
Alors, j’ai essayé de profiter de ces derniers rayons de soleil, de ces couleurs flamboyantes, de ces montagnes vertigineuses, avant de festoyer avec Wildman et Sprouts en buvant un peu du vin et du coca que j’avais prévu pour la frontière.
Jour 164 : mile 2970,9
Cette dernière journée complète de marche était très riche en émotions et rebondissements. A 3h, il s’est mis a pleuvoir jusqu’au petit matin. A 6h45, j’ai profité d’un accalmie pour ranger ma tente et me mettre en route. Le ciel était très menaçant, mais la vallée relativement dégagée. Je pouvais tout de même profiter de la vue, donc c’était sympa. A peine une demi heure plus tard, le vent s’est levé, ramenant de gros nuages noirs. Puis une grosse averse a débutée. De grosses gouttes, des rafales de vent de tous les côtés à me faire dévier du sentier. Mon parapluie est détruit par ces dernières et je me retrouve à devoir utiliser uniquement mon poncho qui augmente ma surface au vent. La vallée se gorge de nuages et je n’ai plus aucune vue. Le sentier devient fort glissant et je me foule pour la seconde fois la cheville droite, à a peine 45km de la frontière. J’arrive néanmoins à marcher sur la douleur contrairement à la dernière fois où j’étais incapable de poser le pied par terre. J’avale un cachet de codéine en plus du paracétamol et des ibuprofènes et je continue ma route dans ces conditions extrêmes.
Une heure plus tard, le ciel commence à se dégager. La pluie et le vent disparaissent. Un ciel bleu commence à apparaître. Une demi heure plus tard et je suis sous un grand soleil avec une vue magnifique sur mon environnement. Je suis subjugué. Alors que c’était censé être une des pire journée en matière de météo, c’était comme ci j’avais le droit à un second souffle pour profiter de ces dernières vues. Alors que l’aventure touche à sa fin, je suis pris de beaucoup d’émotions devant ce spectacle, devant ces paysages rougeoyants, devant ces massifs et ces glaciers.
J’étais sur une longue montée, l’avant dernière. Arrivé au col, j’ai pris ma toute première pause, celle du midi, après 5h de marche et 17km. J’ai pu sécher ma tente et reprendre la route. Une petite descente puis la dernière montée de l’aventure, un petit 200m tout au plus. Enfin, j’entame la longue descente de presque 2000m de dénivelé négatif jusqu’en bas de la vallée. Sur la route, je ne cesse de m’arrêter quelques secondes pour attraper quelques délicieuses myrtilles. Quand j’atteins la vallée, le ciel se gâte à nouveau et une fine pluie fait son apparition. Je suis arrivé à un chalet pour les rangers quand la pluie s’est intensifiée. Je me suis donc mis sur le porche pour faire ma seconde pause. J’ai bien fait car des trombes d’eau ont commencées à s’abattre sur la forêt qui m’entourait. Une petite heure plus tard et la météo s’est calmée. J’ai donc repris ma route sur un sentier avec une végétation beaucoup trop développée. Les feuilles déversaient toute leur eau sur mes chaussures, jambes, voir jusqu’au visage par endroit. Néanmoins, la météo s’est maintenue correcte. Deux heures de marche plus tard et j’atteignais le second chalet pour les rangers. C’était celui au bord du lac de Waterton. Je me suis avancé vers lui dans un grand silence.
Voir cet immense lac semblait surréel. De là, je pouvais voir la frontière à moins de 7km de marche. Je pouvais voir le Canada. Voir la fin de l’aventure. J’étais profondément ému, et bien que mon aventure ne se termine que demain, c’était tout comme aujourd’hui était la fin. C’est vraiment dur d’expliquer ce que je ressent dans ce genre de moment car c’est assez unique, et je sais que demain, tout ça sera encore plus intense, mais c’est comme si tous les durs moments, toutes les rencontres, toutes les frustrations, toutes les douleurs, menaient à cet exact moment. Comme si tout s’achevait là.
Je contemplais en silence ce paysage d’un calme plat dont seules quelques gouttes faisaient onduler l’eau de ce lac quand Peter, le seul ranger encore en poste à cette période de l’année est venu me voir. Wildman et Sprouts sont arrivés en même temps. Il nous a ramené une bière et nous a proposé de dormir sous un grand abri en bois, bien que l’on ne soit normalement pas autorisé à le faire, et que notre permis ne soit valable que pour le campement 2km plus loin. Il a lui même fait pas mal de randonnée et sait ce que ça fait d’être trempé en pleine nature. Comme il n’y a personne, il n’y voyait aucun inconvénient. Il nous a même laissé accès à une petite salle chauffée par le générateur électrique du centre, pour qu’on puisse y faire sécher nos vêtements. C’était magique, inattendu et presque inespéré. En plus de dormir abrité, nous aurons des vêtements secs et chaud à enfiler demain. Une journée qui s’annonce très riche en émotions. Une journée particulière. Une journée vraiment unique. Une journée que j’imagine depuis 164 jours.
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