Ça y est, j’y suis. Après 165 jours d’aventure et 2870km à pied, je touche enfin le monument, traverse la frontière, et tourne la dernière page de cette aventure. Une aventure incroyable qui m’aura de nombreuses fois poussé au delà de mes limites. Une aventure qui m’aura tant émerveillé que fait souffrir.

Une image que vous pouvez ressentir

J’aurai passé les derniers kilomètres à me remémorer non sans émotions ni larmes, tous ces moments que j’ai vécu, toutes les personnes qui m’ont aidé pendant ce voyage. Non, je n’ai pas fait l’intégralité du sentier reliant les deux frontière. Entre les feux et les blessures, il y a des trous dans mon chemin, mais j’ai beaucoup appris. Dans la communauté, on parle beaucoup de la philosophie « Smiles, not miles », qui se traduirait par « Les sourires avant la distance », ou « Les expériences plus que la distance ». Une philosophie qu’il m’a fallu longtemps avant de comprendre, lorsque j’ai du briser mon chemin continu à cause d’une tendinite à la cheville dans l’état du Nouveau-Mexique. Mais aujourd’hui, en touchant ce monument, je me rend compte que ces derniers pas, cette dernière journée, elle n’a presque aucune valeur. Les plus importantes, ce sont les 164 journées qui la précède.

Hiking is like punching your head in the wall; it’s so much better when you stop.

Wagon

Allégé de 21,7kg et de 7351,08€ (assurance et billet aller inclus), j’aurai marché au moins 2780km pour un dénivelé positif total de 83259m et négatif de 83164m. Pendant ces 164 jours, j’aurai fait mes débuts en ukulélé, j’aurai aidé de parfaits inconnus à couper des buches, j’aurai tiré avec un revolver, j’aurai rencontré des personnes du monde entier, j’aurai mangé un nombre incalculable de burgers. J’aurai vu des bisons, wapitis, élans, ours, porc-épic, cougars, serpents, loup, chipmunks, écureuils, marmottes, aigles, vautours, coyotes, vaches, chevaux, lamas, insectes… J’aurai marché avec des personnes de tout âge et de toutes les nationalités.

Le slogan de ce sentier est « Embrasser la brutalité », et je le comprend parfaitement maintenant. Sans ca, il n’est pas possible de prendre du plaisir et d’aller jusqu’au bout. La brutalité de la météo, avec les orages, neige et grêle quotidienne des moussons du Colorado, les chaleurs invivable des déserts du Nouveau-Mexique et du Wyoming, le froid glacial du Montana, les vents inarrêtables de certaines sections et de certaines crêtes. La brutalité du sentier en lui-même, qui monte droit jusqu’aux sommets ou cols sans faire de lacets, qui disparait régulièrement pour me laisser marcher à travers champs, qui est chaotiquement jonché de pierres ou d’arbres morts. La brutalité de la solitude et de la débrouillardise dans des villes parfois bien lointaines et peu adaptées à cette pratique de l’extrême. La brutalité financière, dans des états comme le Colorado et le Montana où de nombreux randonneurs flanchent tant ils avaient sous estimé les prix. La brutalité de la faune et de la flore, avec les cactus, les arbres vénéneux, la présence des ours qui créer des paranoïas, les souris qui guettent la moindre occasion pour taxer un peu de nourriture. La brutalité logistique avec des ravitaillements parfois compliqués, des stops impossibles, des trajets qu’il faut organiser bien en avance, des permis à acheter, de l’administratif à faire sur le sentier pour pouvoir traverser des sections. Enfin, la brutalité de la distance, qui lorsque l’on regarde une carte, nous semble insurmontable et démoralise quiconque y attachant un peu trop d’importance.

It’s not about the goal, it’s about the journey.

Everyone

J’ai été poussé dans mes retranchements un nombre incalculable de fois. Poussé mes limites comme jamais jusqu’à parfois avoir envie de passer l’arme à gauche pour mettre fin à tout ça. J’ai eu plus de larmes qu’imaginable, tant de bonheur, d’émerveillement et d’émotion que de douleur et de nostalgie. J’ai vécu et parfois subit la solitude, mais aussi été part d’une communauté incroyable et entouré de personnes qui m’ont aidé à faire face aux imprévus, aux blessures, aux doutes. J’ai eu plus de sourires et rires en ces 165 jours que sur mes dernières années d’existence. J’ai appris à écouter mon corps plus que lors de n’importe lequel de mes projets, tout en faisant preuve d’une détermination sans égard qui me défini depuis quelques années.

Abandonner ce projet ? L’idée m’est venu et obnubilait mes pensées à de très nombreux moments. Du premier jour, face à une solitude incroyable, à de gros doutes, à un manque de confiance et à des conditions météorologiques accablantes. Aux derniers jours face aux blessures, à l’hiver qui approchait et à la météo capricieuse. A haute altitude dans les montagnes du Colorado qui aussi belles soient-elles sont sans merci, au Grand Bassin dont la sécheresse est au moins aussi importante que l’ennui des décors. Sans compter les inflammations, tendinites, cheville foulée à deux reprises et les séquelles d’un zona qui ont rendu cette aventure plus difficile qu’escompté. Et on n’oublie pas les 4 moments pendant lesquels j’ai atteint le stade 1 d’hypothermie lors de pluies diluviennes. Mais alors, pourquoi continuer ? Pourquoi ne pas avoir abandonné ? Parce que je ne me suis jamais senti aussi vivant que sur le sentier. Parce que la communauté, la famille, les amis étaient là pour me soutenir et me pousser dans de grands moments de doutes. Parce que les compromis pour me retrouver là étaient trop gros pour choisir la solution de facilité. Parce que je voulais progresser en anglais. Parce que je ne me serai jamais pardonné une telle décision. Parce que je n’avais dans le fond, rien d’autre à faire. Parce que je savais que des paysages, des rencontres et des moments inoubliables étaient à venir. Parce que je suis trop têtu. Parce que je voulais vous faire voyager avec moi. Parce que j’ai vécu des moments de déconnexion avec le monde pour me reconnecter avec la nature, et que ça a une valeur inestimable en ces temps.

Never quit on a bad day.

Everyone

Bien qu’il se soit passé trop de chose pour qu’un article de blog ne puisse faire un bon résumé, je vous propose de revivre cette aventure à travers un condensé photo et écrit de chacun des états.

Nouveau-Mexique – Distance parcourue : 518km, Dénivelé positif : 8650m, Dénivelé négatif : 7846m

Premiers pas le 18 avril 2022 après avoir été déposé par la navette. C’est le premier jour d’une vague de chaleur, il n’y a pas d’ombre, tout comme les 4 prochains jours. Je fait face à mes premiers instants de doute et de solitude. Je me rend compte que le sentier n’est pas balisé partout et qu’à de nombreuses reprises, je dois me frayer un chemin à travers champs. Les premières inflammations aux chevilles s’installent.

Jamais, au grand jamais, je n’aurai imaginer faire en dixième de ce que j’ai fait dans cet état. Boire de l’eau croupie dans laquelle flottaient bestioles et bouses de vaches, manger et dormir dans ces dernières, marcher au milieu de cadavres en décomposition ou de vrais cimetières de carcasses.

J’ai eu ma première tendinite à la cheville gauche, pour laquelle je blâme des semelles orthopédiques non adaptées. 16 jours de repos pour m’en remettre. J’ai eu mes premiers doutes et deux moments intenses de depression nerveuse pendant lesquels j’avais perdu tout espoir et j’étais prêt à tout laisser tomber.

J’ai rencontré mes premiers amis sur le sentiers, dont Wildman avec qui j’ai aujourd’hui traversé la frontière. J’ai découvert des endroits magiques où me reposer comme la Toaster House que Nita nous laisse à disposition. J’ai été émerveillé et ému devant certains paysages et ciels étoilés. J’ai été subjugué par certaines sections comme la rivière Gila que j’ai traversé plus de 250 fois en 3 jours ou les étendues vides et sèches à perte de vue. J’ai traversé des forêts arides et d’autres en feu. J’ai aussi drastiquement changé de mentalité et de philosophie vis à vis de mon projet.

Colorado – Distance parcourue : 917,9km, Dénivelé positif : 35639m, Dénivelé négatif : 35150m

J’ai eu mes premiers maux d’altitude, découvert un état que je voulais voir avec beaucoup d’impatience, gravi de très grandes montagnes et vu des paysages à couper le souffle, traversé des forêts et des plaines de haute altitude, marché sur la neige, la glace, et le long de dangereuses falaises. Je me suis fait une entorce et j’ai fait deux hypothermie de stade 1. J’ai vu mon premier élan et mon premier porc-épic, j’ai côtoyé des marmottes, wapitis, chipmunks, chèvres des montagnes et cerfs tout en bravant les intempéries de la mousson. J’ai rencontré Jim et tout le reste de la bande avec qui je touche le monument aujourd’hui et avec qui j’ai eu de nombreux fous rires. J’ai dormi dans des auberges de jeunesses très rustique mais accommodantes et mangé des repas faits maison.

Wyoming – Distance parcourue : 800km, Dénivelé positif : 18926m, Dénivelé négatif : 19193m

Un état aussi varié qu’inattendu. Ça a commencé avec la traversée du Grand Bassin, un désert aussi vide qu’impressionnant. Pour ensuite atteindre les fabuleuses montagnes et lacs de la Wind River Range. J’ai commencé à voir des traces d’ours et j’ai pu voir mes premiers bisons et aigles lors d’une inoubliable visite guidée improvisée par un guide animalier qui m’a pris en stop. J’ai découvert le très fameux parc national de Yellowstone avec ses innombrables geysers, lacs, cascades et piscines chaudes. J’ai aussi fait ma première impromptue rencontre avec un cougar.

Montana – Distance parcourue : 634,7km, Dénivelé positif : 20044m, Dénivelé négatif : 20975m

Un état que j’ai malheureusement vu que par petits morceaux, mais qui m’a émerveillé jusqu’à la toute fin. J’ai fait une partie du grand détour de Big Sky, un sentier non balisé dont il existe autant de chemins qu’il y a de routes. J’ai participé à une soirée improvisée dans les toilettes handicapées d’une mairie, dormi chez quelqu’un qui m’a menacé avec son revolver, dormi dans une yourte, traversé la forêt de Bob Marshall et longé sa muraille de chine. J’ai vu mon premier grizzly et j’ai traversé le parc national des Glaciers qui m’a ému de sa beauté avec toutes ses montagnes et ses couleurs automnales. J’ai eu de nombreuses journées et nuits de froid à l’approche de l’hiver. Enfin, j’ai atteins le monument et traversé la frontière avec le Canada, terminant la dernière section de mon épopée.

Smiles, not miles.

Everyone
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Velveeta, StumbleBee, LongStride, Wildman, Recon, Bass, Sprouts et moi terminons l’aventure ensemble.

Merci d’avoir suivi mon aventure sur le Continental Divide Trail. J’espère que vous avez apprécié ce récit et que vous avez un peu voyagé au travers de mes photos. À bientôt !

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