Le reste du Nouveau-Mexique étant fermé en raison du risque élevé de feux de forêts, je suis obligé de monter directement au Colorado, sans avoir le temps de m’habituer à l’altitude. Je me lance aussi dans une section de 5 jours dans les montagnes sans vraiment savoir si mes chevilles vont tenir, et en sachant pertinemment qu’il est encore un peu tôt pour marcher dans le Colorado à cause de la neige.
Jour 39-40-41-42 : mile 525,2 – Lava Flow Hostel à Grants
Un peu de repos étaient nécessaires pour laisser à la tendinite le temps de s’apaiser. J’ai donc passé quelques jours au Lava Flow Hostel, à ne pas faire grand chose si ce n’est manger, boire, mettre de la glace sur mes chevilles et dormir. Tout étant très éloigné dans cette ville, je me déplaçait avec l’un des vélo que l’auberge de jeunesse met à notre disposition. J’ai par exemple pu récupérer mes nouvelles chaussures car je pense que mes anciennes sont en partie la cause de mes suivis actuels.
C’était aussi un moment pendant lequel je me suis posé pas mal de questions sur la suite de l’aventure. Retourner sur le PCT ? J’ai finalement abandonné l’idée. Faire un road trip au Grand Canyon le temps que la neige fonde ? C’est intéressant, mais ce n’est pas optimal comme repos, donc j’ai fini par laisser tomber cette idée. Attendre 1 à 2 semaines en ville ? Ça revient assez cher, ce n’est pas intéressant, et je risque de perdre tous les muscles que j’essaie de me refaire avant d’attaquer les montagnes… Ayant eu des retours de la part de quelques randonneurs en avance, la section semble assez difficile en raison de la neige, mais tout de meme praticable. J’ai donc pris la décision de reprendre la marche sur la prochaine section ouverte : au Colorado.
La question était : quand y aller ? Trop tôt et je risque de ne pas bien me remettre de ma blessure et d’avoir trop de neige. Trop tard et je risque de trop dépenser, de prendre du retard vis à vis de la saison m’empechant d’atteindre le Canada, et de perdre tous mes muscles avant d’atteindre les montagnes. J’ai finalement acté sur une reprise de la marche le 1er juin, soit 4 jours de repos.
Jour 43 : mile 780 – Au camping de Chama
Réveil matinal pour prendre le bus direction Albuquerque. Je pensais y faire mes courses de ravitaillement mais c’était finalement plus simple de le faire à Grants. Après une heure et demi de trajet, j’enchaîne sur un train jusqu’à Santa Fe. Je suis passé à l’hôpital pour faire examiner mes chevilles et tibias car j’ai des gènes et douleurs qui s’installent alors que je n’ai marché que quelques kilomètres en ville. Après 2h d’attente, on me dit que c’est probablement à cause de mes anciennes chaussures que j’ai tous ces ennuis. Je ressors de là avec une feuille qui m’explique quelques exercices à faire. Ce sont les exercices que je fais depuis 3 semaines déjà…
Je me remet en route en prenant un bus jusqu’à Espanola. En volant mettre mes lunettes de soleil, elles cassent. Je vais jusqu’au magasin le plus proche en attendant le second bus mais il est fermé. Donc j’attend l’autre bus.
Alors que le paysage défilait derrière les vitres du bus, une grosse tristesse m’envahit. Voir l’environnement progressivement changer, passer d’un désert aride à de belles montagnes et plaines verdoyante me rappelait que je n’allais pas voir cette transition en marchant. J’avais comme un sentiment de ne pas mériter de continuer l’aventure au Colorado. Je ne pouvais certe rien y faire, mais j’étais tout de même déçu que l’aventure se déroule ainsi.
Arrivé en ville, j’achète de nouvelles lunettes et je rejoins les autres au bar. Une 15 aine de hikers étaient là. Il avait du rebrousser chemin après 2j de marche en raison d’une tempête de neige qui leur est tombée dessus la nuit. Presque 30cm en quelques heures à peine. Ils prévoyaient de réessayer la section le lendemain.
On va au camping, on s’installe, et je m’endors sans demander mon reste.
Jour 44 : mile 795
Bordel, quelle journée ! Elle commence pourtant plutôt mal. Aux alentours de 4h, je me suis réveillé avec beaucoup de mal à respirer. L’altitude était en train de me jouer des tours. Ça m’a tenu éveillé au moins 2h. Quand je me suis levé, j’ai retrouver mon téléphone avec l’écran complètement explosé. J’ai du m’endormir dessus… Il est toujours utilisable, mais la réparation est très chère. Je dors dans mon sac de couchage avec mon téléphone et mon filtre pour éviter de les confronter à de gros changements de température.
A 8h, Mary, une trail angel que j’avais contacté la veille, vient nous chercher Rockhound, Stallion, Wildman et moi, pour nous déposer sur le sentier, dans l’état de Colorado. Ça y est, je suis dans le Colorado ! Fini le sable et la chaleur du désert !
Nous sommes au niveau du col de montagne où retourne notre aventure. Il fait frais, il y a une odeur de montagne, on a une très belle vue sur la vallée que nous venions de remonter en voiture. C’était magnifique ! Et voilà que je me remet en route. J’étais pris d’une incroyable sérénité dans ces plaines et petites forêts. La nature était d’une beauté indescriptible et je ressentais enfin ce que j’avais ressenti sur le PCT, et ce pourquoi j’aimais être dans la nature.
Le sentier monte graduellement pour près de 1000m. J’atteins mes premières neiges que j’arrive à passer sans trop de difficultés sauf la première qui était un peu technique. J’arrive sur une corniche sur laquelle le vent soufflait fort. J’avais par contre le droit a une très belle vue sur les montagnes vers lesquelles je me dirigeait.
Au plus je montais, au plus le vent était puissant. J’avais en plus du mal à respirer à cause de l’altitude. Mes chevilles semblaient plutôt bien tenir le coup par contre. Après m’être fait fouetter par ces courants de vent qui changeaient de sens d’un instant à l’autre, me faisant même tomber une fois, je suis arrivé au sommet, à un peu plus de 3700m. Il y avait un petit abris en pierres derrière lequel je me suis abrité du vent. Vent assez froid d’ailleurs. Puis j’ai repris ma route.
Tout d’abord, je descendait vers des petites étendues d’eau un peu plus loin dans la vallée. J’avais pas mal de neige à traverser mais ce n’était pas spécialement difficile. Puis le sentier remontait un peu avant de redescendre vers un grand lac. C’est là que je m’installerai pour la nuit. Les 3 derniers miles étaient particulièrement compliqués, douloureux et long pour mon corps. D’autant plus qu’il y avait beaucoup d’arbres à enjamber, cassant le rythme et forçant parfois à faire de grandes enjambées. J’avais de nouvelles douleurs qui sortaient un peu partout au niveau de mes jambes et chevilles. J’étais persuadé d’avoir trop forcé cette première journée, détruisant mon corps pour le reste de l’aventure. C’étaient des sentiments qui me blessaient.
Jour 45 : mile 807,7
J’ai passé une excellente nuit ! Moi qui pensait que j’aurai du mal avec l’altitude… Je me réveille très rarement en ayant la sensation d’avoir bien dormi, même dans la vie de tous les jours, mais ce matin, j’étais rayonnant ! Moi qui avait peur la veille d’avoir trop forcé, je me sentais vraiment en forme ce matin.
Départ aux alentours de 7h30 pour une montée assez raide. Lors des premiers kilomètres, je ressens des douleurs un peu partout, le temps que mon corps se chauffe, puis ça s’estompe. Je fais rapidement face à un petit mur de neige très abrupte. Plutôt que de risquer de le traverser, je coupe hors sentier en remontant la pente bien trop penchée. Je rejoins le sentier un peu plus loin et je continue ma route. Je croise BumbleBee et Tiempo que je n’avaient pas vu depuis Pie Town.
Le sentier monte très progressivement mais traverse de très nombreux névé. Ce n’est en soit pas trop un soucis mais ça me ralenti un peu. Entre ces plaques de neige, il n’y a pas vraiment de sentier. Juste des cairns qui indiquent le direction. Devoir marcher hors sentier fait bouger les chevilles dans tous les sens ce qui réveille quelques douleurs.
J’arrive au niveau du col duquel j’ai une vue sur l’autre vallée. C’est magnifique ! Je vois au loin les hautes montagnes du Colorado. Et oui, je ne suis pas encore au plus haut du sentier ! Ce dernier redescend d’ailleurs vers un plateau jonché de petits lacs. Les douleurs devenant un peu trop présentes, je plonge mes pieds dans l’eau glaciale pour éviter les inflammations. C’est excessivement douloureux mais efficace, me permettant de reprendre la route sans trop de soucis. Je me trompe d’ailleurs de chemin mais je pas voir de trace de pas a éveillé des soupçons me poussant à vérifier le GPS.
Les douleurs finissent par revenir lorsque je traverse une section de 2 miles presque complètement enneigé. Il n’y a pas de chemin donc je me perds souvent, obligé de devoir remonter la pente de nombreuses fois pour ne pas trop m’éloigner du sentier. C’est d’autant plus fatiguant que l’altitude joue des tours à ma respiration. Je fais deux glissades dont une me fera un peu mal à la hanche mais ce n’était que temporaire. J’ai du traverser un pont de glace entendant l’eau couler en dessous. J’ai aussi du descendre un mur de neige en glissant sur mes fesses tout en me freinant avec mes bâtons. J’atteins finalement un premier lac absolument magnifique et en partie gelé. C’était tentant de m’installer là mais il n’était que 14h et je comptais encore faire 1,5 miles.
En quittant le lac, je passe à côté d’une ancienne cheminée encore en état d’être utilisée. Absolument au milieu de nul part (45km pour la ville la plus proche), j’avoue avoir été très étonné. Les derniers miles, j’étais souvent confronté à des arbres à enjamber et à des murs de neige que j’escaladais parfois en m’aidant de mes mains.
J’étais exténué quand j’ai atteint le campement, vers 16h30. Mes pieds étaient trempés depuis de nombreuses heures et j’ai eu une ampoule sous un gros orteil qui a fini par éclater.
J’ai trempé mes pieds, fait des étirements et massages, mangé et je me suis couché. Rockhound et Wildman étaient censé marcher jusqu’ici mais seul Stallion aura réussi à faire la distance.
Demain risque d’être une grosse journée avec beaucoup de dénivelé. J’espère faire une bonne nuit comme hier, et me réveiller sans douleurs aux chevilles.
Jour 46 : mile 820,2
J’utilise le peu de force qu’il me reste pour synthétiser cette journée qui est dans doutes l’une des plus intense de toute ma vie.
Je me réveille vers 23h avec de grosses courbatures aux fesses. Si douloureuses qu’elles m’ont tenu éveillé jusqu’à 3h malgré un anti douleur. Vers 7h30, je me met en route. Je croise Lauren qui a reçu une alerte météo ce matin même : 30% de chance d’avoir un orage cette après midi. Ce n’était pas très rassurant, d’autant plus que je devais faire 3 cols de montagne aujourd’hui.
Après quelques minutes de marche, je croise une dinde sauvage au bord de la route. Un peu plus loin et j’arrive a un endroit qui me donne une superbe vue sur la montagne que je dois descendre et sur celle que je dois remonter. L’application que j’utilise dit que la section est assez dangereuse donc j’attend que quelqu’un arrive. Une dizaine de minutes plus tard et voilà Stallion. On continue de monter jusqu’à arriver au premier col.
La descente commence, sur le flanc de montagne exposé Nord. Du coup, il y a beaucoup de neige. C’est particulièrement raide et on doit se concentrer pour ne pas glisser. On assure chacun de nos pas, creusant parfois des marches dans la neige, et on avance tout doucement. Nous voilà arrivé sur un pan de neige assez raide mais parfaitement adapté pour faire du toboggan. Ça permet de descendre rapidement sans se fatiguer les jambes. Mes chevilles me font de nouveau souffrir lorsqu’on marche sur la neige car mes pieds dont constamment penchés d’un côté.
Une bonne heure et demi de descente plus tard et nous commençons à couper à travers la vallée pour éviter un mile de neige peu intéressant. Au niveau de la rivière en bas, on grignote, je plonge mes pieds dans l’eau, et on observe les deux groupes derrière nous qui entamment à peine la descente.
Puis je reprend la route en montant à même la paroie jusqu’à rejoindre le sentier. C’était long et épuisant mais moins que je faire tout le tour sur la neige. Une fois sur le sentier, je continue la montée jusqu’en haut du second col. Je trouve un endroit à l’abris du vent pour manger et faire une sieste. Je reprend la route sur une pleine inondée mouillant mes pieds. Il était environ midi.
J’arrive au niveau d’une section assez compliquée où m’attendait Stallion. Il fallait descendre le montagne sur un sentier à deux tiers caché sous la neige. C’était excessivement raide et lorsque je ne glissais pas sur la neige, c’était sur la boue. Mes chevilles me tuaient lorsque le sentier était constamment penché d’un côté. La descente était longue, fastidieuse et très technique. De nombreux passages demandaient beaucoup de concentration. Une fois de plus, c’était sur le flanc orienté Nord.
Une fois en bas, le sentier remontait pour un troisième col. Je commençais à sérieusement fatiguer donc j’ai fait de nombreuses pauses et je me suis dopé au sucre. Une fois en haut, j’ai fait une pause pour attendre Stallion. La descente qui suivait, orientée Nord une fois de plus, était marquée comme extrêmement difficile et dangereuse. Nous étions tout deux très fatigués, mon corps était douloureux. On a regardé où allait le trail et c’était si raide et sur de la neige qu’on était pas tenté par cette descente. On a regardé nos cartes topographiques et une option semblait viable : descendre sur le flanc est de la montagne. Il n’y a pas de sentier et les courbes semblaient faisables, bien qu’un peu compliquées à un endroit. Rockhound et Wildman avaient décidé de partir dans la vallée avant même le premier col et de remonter par la rivière qu’on voyait en bas. Ça nous semblait être une bonne idée de faire de même pour cette dernière descente. On était loin d’imaginer ce qu’il allait nous arriver.
Le début était assez simple, si ce n’est les arbres à enjamber et le sol qui était un peu instable, jouant beaucoup avec mes chevilles. Puis on a été confronté à des restes de neige. D’abord des petits, puis de gros patchs. C’était pas trop problématique, sauf quand le terrain a commencé à être de plus en plus raide. On s’est rapidement retrouvé à devoir descendre sur des parois de neige inclinées à plus de 70 degrés. On s’aidait des arbres et on essayait de s’enfoncer un maximum dans la neige pour ne pas glisser. On regardait nos cartes toutes les minutes pour essayer de trouver le meilleur passage. Arrivé en haut d’une falaise, Stallion a commencé à faire une crise de panique. Il a fini par se calmer et on a essayer de descendre tant bien que mal sur le côté de la falaise.
C’est dur d’expliquer par écrit le dangerosité et la complexité de ce qu’on était en train de traverser. Après près d’une heurev pour descendre 300m, on a réussi à atteindre non sans mal la rivière. Sauf qu’il n’y avait pas de chemin. On s’est donc aventurés sur les bords, traversant régulièrement l’eau glaciale pour atteindre un passage un peu plus praticable. On a fini par marcher dans une plaine inondée, les chevilles partant dans tous les sens.
Le terrain devenant de moins en moins praticable, on est parti sur l’autre berge. On a trouvé des empreintes de pas si ressemblaient beaucoup à celles de Rockhound et Wildman ! On les a suivi jusqu’à atteindre un semblant de sentier. Mon corps était progressivement en train de lacher. Une heure plus tard, on retrouvait le CDT. On a installé nos tentes sur des emplacements à peu près plats.
En faisant chauffer de l’eau, ma bonbonne de gaz a rendu l’âme, à 3 jours d’un retour en ville. En versant l’eau dans mon sac de purée de pommes de terres, je me suis renversé la moitié sur la main. En cherchant une barre a grignoter dans mon sac, je me suis rendu compte que mon pot de Nutella s’était ouvert et s’était vidé partout. Mon sac de couchage avait une grosse trace d’huile.
Mes pieds sont dans un très mauvais état après avoir passé 6h trempés et après avoir eu tant de frottements. Je suis à bout de force. J’ai fait un peu plus de 15miles, plus de 1200m de dénivelé, j’ai la tête qui tourne à cause de l’altitude et rien que manger m’essoufle. Il est 19h30, il fait très froid et il y a beaucoup de vent. Je sombre dans mon sac de couchage.
Jour 47 : mile 834,3
J’ai passé une excellente nuit ! Près de 9h30 d’affilées, sans même devoir faire une vidange ! Ce sont les coyotes de l’autre côté de la rivière qui m’ont réveillé. Je me lève donc en excellente forme. Pas de douleurs résiduelles si ce n’est le temps que mes muscles chauffent. Je m’estime heureux de pouvoir marcher aujourd’hui après la journée d’hier.
Début de marche sur une longue montée de 450m particulièrement raide. De quoi challenger mon cardio pas encore au point. J’atteins le sommet à un peu plus de 3800m. Il n’y a pas un bruit, pas de vent, un beau soleil et j’ai une vue incroyable sur toute la vallée que j’ai remonté la veille et sur celle qui m’attend. Je suis sur un grand plateau de haute altitude, légèrement vallonnée. C’est un paysage assez improbable pour un européen habitué aux Alpes. J’appréciais la vue quand Rockhound et Wildman sont arrivés derrière moi. J’étais persuadé que c’étaient leurs traces hier, mais à priori non, et ils ont suivi les nôtres ce matin même. On a eu à peu près la même aventure hier car ils sont descendu par le même endroit que nous et ont un peu suivi notre chemin.
Je continue ma journée en suivant les montagnes sur leur flanc est. Je traverse plateaux après plateaux, avec quelques courtes montées et descentes, quelques rares neiges résiduels, et beaucoup d’herbe inondée. A chaque nouvelle montagne que je longe, j’ai le droit à une belle vue sur le restant de la vallée.
Je fini par m’installer au coin d’un virage pour manger mon repas de midi. Du thon, du Nutella, de la viande séchée, quelques gressins au miel et au sel, une barre de céréales et un bon demi litre d’eau. J’ai un apport protéique de près de 110gr par jours, en comptant le shaker de protéines en poudre que je prend tous les soirs. C’est un gros plus pour aider le corps à se réparer et à stocker des glucides pour le lendemain.
Je peux parler aussi des petites habitudes que je prend. Le matin, je grignote des céréales et une à deux barres tout en restant bien au chaud dans mon duvet. Puis je me change, je fais quelques etirements et massages aux chevilles et mollets, je met un peu de crème au CBD sur mes chevilles, j’enfile mes chaussettes et mes chevilles de compression et maintiens, puis je range tout dans mon sac. Ensuite, je laisse ma tente sécher au soleil, je la plie, et je commence à faire mes premiers pas. Tout doucement la première demi heure, avec de petits pas, le temps que mon corps chauffe. J’ai à chaque fois de nouvelles douleurs qui me font peur quelques instants avant de s’estomper. Au soir, dès que je pose mon sac, je bois mon shaker de protéines, je monte ma tente, je fais chauffer de l’eau et pendant que ça chauffe, je fais quelques etirements. Après avoir mangé, seconde session d’étirements puis de massages. Une bonne demi heure au total. Je me prépare à dormir, j’écris ce qu’il s’est passé pendant la journée et je me couche, juste avant que le soleil ne se cache.
Une grosse partie de la journée était sur ces longs plateaux. C’était sympa de marcher sur un sentier sans être sans cesse ralenti par de la neige. Puis le sentier s’est mis à redescendre vers la vallée. J’étais bien content car je commençais à avoir mal à la tête et je pense que l’attitude peut en être la raison. J’ai fini par atteindre une route de terre sur laquelle de nombreux quads passaient. J’avais un peu d’espoir que quelqu’un s’arrête pour m’offrir une bière ou un soda mais je n’ai pas été chanceux. J’ai repris le sentier qui montait légèrement puis ondulait le long des monts. J’avais l’impression d’être passé de la haute montagne comme les Alpes aux monts d’Auvergne. C’était particulier mais assez plaisant. Je traversait de très jolis passages de forêts assez éclatées offrant de beaux endroits pour camper. Mais je voulais aller un peu plus loin pour me ravitailler en eau.
J’ai poussé deux miles, accompagné de Stallion, Rockhound et Wildman jusqu’à arriver aux abords d’une petite étendue d’eau entourée de merdes de vaches. Les doux souvenirs du Nouveau-Mexique sont revenu rapidement ! J’ai installé ma tente et le vent à commencé à se lever. C’est normalement l’inverse mais j’ai l’impression que la nuit va être mouvementé. Pendant qu’on mangeait, un cerf plutôt curieux est venu nous voir à une trentaine de mètres avant de repartir par où il était arrivé.
Nous avions commencé cette section en plein milieu d’une bulle. Ce que l’on appelle bulle, c’est un groupe de randonneurs qui marchent à peu près autant de miles chaque jour et qu’on fini par croiser un peu tous les jours. Néanmoins, nous 4 en étions à priori sorti aujourd’hui, ce qui montre qu’on fait de belles journées. Je sais que derrière nous, il y a au moins Moonshine, Lauren, Cream, Dave, Boomerang, Rattler, Tiempo, Shea, Sprout, Pale Le, Nutwings, StumbleBee. Autant de monde que l’on reverra en ville dans quelques jours.
Jour 48 : mile 846,9 – Pagosa Springs
J’ai passé une très mauvaise nuit. Trop de vent, trop de courbatures. Mes jambes étaient si douloureuses que j’ai fini par prendre un doliprane codéiné à 23h. Mauvaise idée, j’étais juste dans le gaz pendant de nombreuses heures. Je n’ai du coup pas beaucoup dormi.
Début de journée sur les chapeaux de roues. Je prend assez vite un bon rythme de marche. Le sentier suit les collines sur leur sommet. Montées, descentes, sans cesse, dans un environnement absolument fabuleux. Tout est si vert, c’est dépaysant après ce nouveau-mexique. J’ai en plus une très belle vue sur les montagnes sur lesquelles j’étais hier.
Le sentier enchaîne sur une longue descente avec de très (très !) et trop nombreux arbres morts qui barrent la route. Je passe beaucoup de temps à passer au dessus, au dessous, sur les côtés… A plusieurs reprises, je me perds dans cette jungle d’arbres morts. Je me réoriente dans la bonne direction et je marche jusqu’à retrouver le sentier.
Je marchais avec Wildman quand l’une des plaques de neige qui bloquait le chemin nous a joué un tour. Il creusait des marches dans ce mur de neige quand elle a décidé de céder. Il s’est mis à glisser sur un peu plus de 10m vers le précipice sur la droite. Un arbre mort parallèle à ce pan de neige a arrêté sa glissade. Par chance, il s’en sort avec juste quelques ouvertures sur les jambes et bras. Moi, qui était derrière, creusé de nouvelles marches un peu plus profondes. Mais la même chose m’est arrivé. Une glissade effrayante de plus de 10m vers le précipice. Le même arbre m’a arrêté, donnant un gros coup sur mon talon droit. Je saigne un peu du bras gauche, mais je m’en sors très bien.
On reprend la route et quelques minutes plus tard, je fais un pas sur un terrain un peu instable. Ma cheville gauche lâche complètement et mon pied part violemment vers l’intérieur. J’ai eu le bon réflexe de mettre tout mon poids sur mon autre pied et sur mes bras. Je ne suis vraiment pas passé loin de me faire une entorce. Pendant quelques heures, j’ai ressenti une petite douleur au niveau du talon gauche.
J’ai fini par prendre une route de forêt pour redescendre vers la départementale qui signe la fin de cette section éprouvante et challengeante. Section que j’ai réussi à traversé malgré mes chevilles. Ces dernières qui ont vraiment bien tenu. Je commence à me dire que l’aventure n’est pas terminée pour moi.
Au col de montagne, sur la route, je retrouve Rockhound, Wildman, Tiempo et Stallion. On fait du stop sur la route alors que l’endroit n’est pas trop adapté; haut d’une colline et juste après un virage. A notre grand étonnement, la première voiture s’arrête et propose de nous prendre tous les 5 dans une voiture où il ne restait que 2 places. On se sert les une sur les autres avec nos sacs et on était parti pour 25 miles de route jusqu’à Pagosa Springs. Là bas, on réserve un motel pour 2 nuits afin de faire une journée de repos demain. Repos bien mérité, et nécessaire avant d’entamer la prochaine section de 6 jours tout aussi intense. On mange une pizza, on voit quelques bières et on se couche dans un vrai lit.
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2 Commentaires
Merci Baptiste pour ce blog très instructif pour préparer mon futur cdt.
J’ai l’impression à la lecture de ton récit que tu n’avais pas de micro-crampons ni de piolet. Est-ce correct ? Si c’est le cas est-ce que tu regrettes ce choix ?
Pepe (pct 2021)
Salut Nicolas !
Je n’ai effectivement utilisé ni piolet ni crampons, et je ne regrette pas ce choix. Si ce n’est à 2 reprises où cela aurait été confortable, je n’en ai pas ressenti le besoin. La neige a fondu particulièrement vite cette année, mais ce ne sera pas le cas chaque année.
Bonne préparation !