Cette seconde section du désert a eu le mérite de me surprendre, tant par les variations de température, que par la météo. Je retrouve des personnes que je connais et redécouvre certains paysages sous un autre angle. Le PCT ne cesse de m’étonner, et bien que certaines journées sont plus dures qu’escomptées, je m’accroche et tente de profiter un maximum de ce début d’aventure.

[Jour 6] Premier repos – Mile 77.5

J’ai fait une très bonne nuit. Je suis tendu d’un peu partout et j’ai toujours des courbatures. Je me sens encore un peu faible; prendre une journée complète de repos est probablement la meilleure chose à faire.

Avec ce jour de repos, je vais arriver a Warner Springs samedi après midi au plus tôt, sauf que le bureau de poste, dans lequel j’ai envoyé mon colis de ravitaillement pour la prochaine section, ferme a midi pour tout le weekend. Comme je ne compte pas prendre une autre journée de repos a Warner Springs, car c’est a seulement deux jours de marche, je les aient appelés et j’ai demandé qu’ils disent mon colis au centre d’information de la ville. Ils ont accepté sans soucis. Du coup, je devrais pouvoir récupérer mon colis samedi et entamer la prochaine section dans la foulée.

J’ai mangé, fait beaucoup de massages et entièrement, et j’ai mis de la glace sur mes chevilles plusieurs fois par jours, tout en les gardant surélevées afin de limiter les inflammations. C’était un peu ennuyant de voir une si belle journée passer sans que je ne bouge, mais je sais que c’est pour mon bien. Par contre, Renegade se trouve désormais 2 jours en avance sur moi. Il devient de plus en plus improbable que je le croise, mais sait-on jamais, il s’en passe des surprises sur le sentier !

J’ai fait la rencontre de Cathy, une amie d’Erika qui habite à quelques minutes de route seulement. Quand elle a appris que j’avais fait le CDT, elle m’a tout de suite demandé : « Tu as dormi dans la yourte ? ». J’ai répondu que oui, avant qu’elle m’explique qu’elle lui appartient, et que quelqu’un ne cesse de forcer la porte, et que les randonneurs en profitent donc pour s’y abriter. Quelle coïncidence, qu’à plus de 3000km de cette fameuse yourte que j’ai visitée en 2022, je rencontre la propriétaire !

Cathy m’a aussi dit qu’elle connaissait très bien Hans, au centre des informations de Warner Springs. Elle m’a confié la tâche de lui dire « Golden Eagle », et d’apprécier ce qui allait se passer ensuite. Je n’ai aucune idée d’à quoi m’attendre mais je suis bien curieux ! On verra ce que cela donne.

[Jour 7] Entraînements militaires – Mile 95.2

Je me lève bien reposé et prêt à attaquer cette nouvelle section. On se met en route avec Erika direction Scissors Crossings sur le coup de 6h. Arrivés à 6h30. Il fait particulièrement froid, surtout à cause du vent. Je prefere commencer à marcher avec ma doudoune et mon pantalon.

Le sentier remonte dans les hauteurs sur une longue distance. Il suit la petite chaine de montagnes en leur flanc, épousant parfaitement les formes de ces derniers. Ainsi, je me retrouve régulièrement à une dizaine de mètres du sentier de l’autre côté d’un ravin, mais le sentier oblige à longer toute la paroie avant d’y arriver.

Je sens une vive douleur au niveau de mon talon droit.  L’ampoule que j’avais s’est non seulement percée, mais la peau est partie, l’exposant directement aux frottements sur la chaussette. Je n’ai plus de bandes collantes comme en ont les kinés, alors j’utilise un peu de scotch pour la recouvrir. J’en profite aussi pour couper quelques bouts de tissus qui s’effilochent à l’intérieur de la chaussure. Quand je reprends la route, je passe d’une douleur de 7/10 à un petit 2/10, un régal !

A chaque fois que j’étais sur le flanc orienté ouest, je me prenais des grosses rafales de vent à m’en faire perdre l’équilibre et ma casquette. Les rares fois où le sentier passe sur le flanc opposé, il n’y a plus de vent du tout et il fait très chaud. En parlant de chaleur d’ailleurs, c’est une section complètement sèche, dont le seul ravitaillement en eau sur presque 30 miles est la première water cache du sentier. C’est un endroit où des bénévoles viennent déposer des centaines de litres d’eau en bouteille à un endroit stratégique pour que l’on ait de quoi nous hydrater.

Toute la matinée, l’armée américaine a fait des entraînements avec des gros avions et des avions de chasse. Ils passaient à moins de 200m au-dessus de moi à chaque fois, si bien que j’arrivais à distinguer le visage des pilotes. C’était à la fois impressionnant et très bruyant.

J’ai vu mon premier serpent aujourd’hui, au même endroit que mon premier serpent à sonnettes en 2016. C’était cette fois-ci un serpent assez classique qui dormait au soleil. J’ai tapoté le sol proche de lui pour lui faire comprendre que j’étais là. Il s’est aussitôt activé pour se cacher sous un buisson.

J’arrive à la water cache sur les coups de 13h. J’ai déjà fait 14 miles ! Je prends une longue pause, ferme un peu les yeux, grignote quelques cacahuètes avant de me remettre en route, 4 litres sur le dos. Ça devrait être suffisant pour la nuit et les quelques miles demain matin. Je marche beaucoup plus lentement, d’une part parce qu’il ne me reste presque plus de distance à faire, mais aussi parce que ma cheville droite commence à tirer un peu.

J’arrive finalement au campement; un tout petit espace proche d’un ravin, mais un peu protégé du vent par quelques arbustes. Je ne dormirai pas à la belle étoile ce soir car il y a des risques de pluie. Je suis très content de ma journée. J’ai fait beaucoup de distance, avec 1000m de dénivelé positif, et je me sens plutôt en forme, quoi que fatigué de cette journée. Je devrais rejoindre Warner Springs demain, en esperant que le bureau de poste livre bien mon colis au centre d’information à Warner Springs, car ils ferment demain à 13h et je sais que je n’y serai pas à temps.

[Jour 8] Emotions – Mile 111.2

Je me suis endormi sur les coups de 18h30, dans ma tente car les prévisions météo ne semblaient pas très encourageantes. J’étais tout seul au campement, c’était très calme, mais le vent soufflait beaucoup. Je me réveille vers minuit, et vérifie que mes sardines sont toujours bien en place. Oui ? Et bien c’était le moment de mettre mes bouchons d’oreilles pour ne plus être gêné par le bruit de la tente qui bouge avec le vent. J’ouvre les yeux verts 5h30 et vois qu’il a plu. J’ai bien fait de ne pas dormir à la belle étoile ! En plus, j’ai eu bien chaud malgré le vent.

Je range ma tente humide, ce qui, avec le vent, me glace les mains. Une seule solution : marcher. Alors je marche, les nuages très proches de la tête ; je ne voyais pas les sommets des montagnes. Le sentier n’est pas encore très bien entretenu sur cette partie, et toutes les plantes qui chevauchent le chemin deversent leurs gouttes sur le pantalon qui, avec le vent, me glace les jambes.

Le chemin redescendait de la montagne donc je savais qu’il ferait un peu plus chaud plus bas, donc j’ai juste mis ça de côté et j’ai tracé ma route. Au coin d’un virage, je vois une tente comme la mienne, avec un bâton de marche qui s’affalait; la sardine s’était retiré du sol. Délicatement, je l’ai remise en place pour que la condensation arrête de se reprendre sur le matériel du randonneur à l’intérieur.

Un peu plus loin, j’arrive au markeur 100. Je viens de réaliser les 100 premiers miles de l’aventure, soit 160km. C’est un moment émouvant, car j’ai enfin l’impression que j’avance. Je me sens de mieux en mieux sur le sentier.

Au bas de la montagne, il y a un ravitaillement en eau où je me souviens avoir pris quelques litres. Je fais aussi la rencontre de Moonshine, que j’ai peut être croisée sur ce même sentier en 2016. Elle s’est malheureusement foulée la cheville et va devoir prendre quelques jours de rétablissement.

De là commence une section que j’avais particulièrement appréciée. Le chemin traverse une très grande étendue d’herbes toute vallonnée. La dernière fois que j’étais là, tout était sec et donc orange, donnant l’impression de voir des dunes de sable. C’était très intéressant et magnifique de voir ce paysage sous un autre angle ! Au milieu de cette étendue, il y a Eagle Rock, la pierre qui ressemble à un aigle.

Une heure plus tard, alors que j’allais arriver a Warner Springs, on m’interpelle pour le souhaiter la bienvenue. Le visage me semble familier. The Legend ? Oui, c’était bien lui. La même personne qui à 3 reprises, à 3 endroits différents du chemin, m’a nourri il y a 9 ans. Il n’a pas changé ! Il s’est souvenu de moi. Ca m’a fait si plaisir de le revoir, surtout que je ne m’y attendais pas !

J’arrive au centre d’information avec la bonne nouvelle d’avoir mon colis. Il n’est que midi et j’ai fait presque toute la distance que j’avais prévu… Je vais voir Hans et je lui dis « Golden Eagle ». Il me répond « message bien recu! » et il va me chercher un plat congelé que Cathy voulait m’offrir. C’était adorable ! Et très bon. Puis j’ai mangé une glace et bu un coca. The Legend est arrivé en disant qu’il cuisinait des pâtes pour tout le monde vers 17h. Je ne pouvais pas rater ça ! Surtout que la pluie était arrivée. J’étais content d’avoir évité ça. J’ai donc profité de l’après-midi pour manger, me reposer, masser et étirer mes muscles.

On a mangé deux assiettes de spaghetti chacuns ! Puis j’ai repris la route, voyant une petite opportunité d’éviter le reste de la pluie. Il était 18h15, le soleil commençait à tomber et passer sous les nuages très sombres et menaçant. Le contraste, avec le paysage, était magnifique, comme fantastique. Bipede et Reily, que j’ai retrouvés, ont décidé de rester sur place pour le petit-déjeuner, mais les pancakes ne m’intéressent pas trop, et je voulais faire un peu plus de distance. Je suis arrivé à un ancien camping abandonné, dans lequel j’ai monté ma tente pour la nuit. Il risque de pleuvoir cette nuit et demain. Je suis tout seul, et il y a beaucoup de bruits flippant autour de moi, mais ce n’est pas la première fois que je suis dans cette situation, et je suis fier de moi de faire ma propre aventure, avec mes propres décisions, quitte à faire face à mes peurs, plutôt qu’à absolument essayer d’avancer avec un groupe. Je vais mettre des bouchons d’oreilles et la nuit devrait bien se passer. C’étaient beaucoup d’émotions aujourd’hui, des bonnes comme des mauvaises. Mais c’était une très bonne journée.

[Jour 9] Éprouvant – Mile 131.5

Je me réveille vers 5h mais il pleut un peu, fait froid, et je n’ai pas trop le courage de bouger. Je me rendors pour 1h avant d’enfin me motiver à bouger. Je range toutes mes affaires, dont ma tente mouillée, et je me mets en route. Il fait froid, surtout parce qu’il y a un peu de vent. Au bout d’une demi-heure, un crachin commence à tomber. Je mets mes affaires de pluie, et dix minutes plus tard, ça s’arrête. Ça reprend quelques minutes plus tard. Le ciel est menaçant.

Le sentier entame une très longue mais progressive montée. Près de 1000m de dénivelé sur 16km de long. Je prend un bon rythme et j’essaie de le garder le plus longtemps possible. Je fais quelques pauses tout de même, mais assez courtes car le vent souffle de plus en plus fort et est de plus en plus froid avec l’altitude qui augmente. La vue est toujours prenante, avec de nombreux monts à des kilomètres à la ronde, dont certains ont leur sommet dans les nuages. Par endroits, il y a des éclaircies, parfois même où je me trouve ! Mais c’est entrecoupé de quelques crachins.

Presque au sommet, je fais une pause avec Sprout et Alex qui étaient sur un emplacement de bivouac. Ils marchent tous les deux assez vite, donc je ne cherche pas à les suivre, mais c’est sympa de prendre un repas ensemble. Une heure plus tard, j’arrive à l’intersection avec le petit sentier qui descend chez Mike. C’est un endroit où on est un peu obligé d’aller car c’est le seul ravitaillement en eau sur les 35 prochains miles. Je me souviens y être passé en 2016. Il faisait si chaud que j’avais décidé de marcher un peu de nuit au départ de chez lui. L’endroit n’a pas beaucoup changé. Mike a décidé de laisser la maison à l’abandon et de la laisser aux randonneurs. Quand j’y arrive, je retrouve un peu la décharge que j’avais connue à l’époque.

L’endroit est très quich. Il y a plein de glacières avec tout et n’importe quoi dedans, dont une bière que je prends volontiers. Plein de bordel de partout, des munitions pour le balle-trap par terre, des graffitis de randonneurs partout. Le garage est ouvert et de la musique passe à fond, avec un gars qui se dit randonneur mais ne l’est évidemment plus depuis longtemps en train de bosser sur une carcasse de voiture. Il a les clefs d’un autre 4×4 de la propriété et dit qu’il est en train de nettoyer un peu l’endroit.

Il y a même des clubs de golf avec quelques balles, de quoi faire quelques tirs vers la montagne. L’ambiance est à la fois bizarre et plaisante; on se croit chez soi, et c’est bien sympa !

Je pensais faire 2 petits miles de plus pour terminer ma journée, mais je n’ai pas trop le choix niveau campement. Je vais devoir pousser un peu plus car je risque d’être juste en eau. Je prends 5.5 litres au total, qui devraient tenir le reste de la journée et le lendemain. Il fait de toute façon si froid que je ne consommerai au final qu’un demi litre du reste de la journée. Je sens quand même les 5.5kg en plus sur le dos et mes jambes/chevilles n’apprécient pas trop. Je ne les ai pourtant pas senties de la journée, comme c’est plaisant !

C’était sympa de voir la section que j’avais faite de nuit, sous un autre angle. Bien que le crachin ait continué par intermittence pendant toute la journée, j’étais dans un si bon mood aujourd’hui que j’ai beaucoup apprécié ! J’ai eu le temps de monter ma tente avant qu’il ne pleuve un peu plus. Avec le vent, elle a réussi à sécher; parfait !

J’ai mangé avec Sprout et Alex, avant que Bipede ne nous rejoigne. Une journée plus longue de 2 miles pour lui. Je me suis fait un petit plaisir en buvant 2 chocolats chauds que j’ai accompagné avec 2 carrés de chocolat a l’orange. C’est un petit plaisir que j’aime me faire le soir, surtout après une longue et froide journée comme celle ci. J’aurai fait mon premier 20 miles aujourd’hui. 20.3 miles, soit 32.5km, avec au total 1300m de dénivelé positif et 700m de dénivelé négatif. Je me couche exténué mais très content de cette excellente journée.

[Jour 10] Le retour du soleil – Mile 151.8 – Idyllwild

Je me lève sur les coups de 5h30 avec une tente un peu mouillée. Il est censé faire meilleur aujourd’hui, donc je range le pantalon. Il y a toujours pas mal de vent, donc je m’active pour tout ranger afin de me mettre en route rapidement. Je n’ai pas très bien dormi, sans raison particulière, et je le ressens tout de suite sur le moral.

La journée d’hier m’a beaucoup fatiguée, donc je prévois d’en faire une un peu plus courte aujourd’hui. Le sentier reprend la descente que j’avais commencé la veille. Il y a toujours pas mal de nuages mais je vois le soleil se lever sur les sommets qui m’entourent. C’est encourageant ! Je brave donc un peu le froid jusqu’à enfin être au soleil. J’ai terminé la descente et je me trouve sur un faux plat descendant. Puis le sentier pars dans un canyon, avant de remonter jusqu’en haut de la montagne.

Il fait très chaud, la montée de 900m semble interminable et ma cheville gauche recommence à me gêner. Ça travaille un peu trop mon moral, mais je continue. Je fais des pauses de plus en plus régulières. J’en profite pour regarder la carte et voir à quel endroit je pourrai descendre du sentier pour rejoindre Idyllwild. Il y a 4 options, mais aucune ne semble intéressante, car il faut faire entre 7 et 12km de descente assez violente. Je reçois un message de Renegade à ce moment, qui est déjà en ville. Il m’explique qu’il a fait du stop vers Idyllwild depuis la route qui mène a Paradise Valley Café, un restaurant très populaire. Il prévoit de reprendre le sentier de là dans 2j, pour une section de 4j jusqu’à Cabazon.

Je n’avais pas du tout réfléchi à cette possibilité, et j’avoue qu’elle me plait. En plus d’éviter de faire une grosse descente pour rien, ça permet à la section suivante d’être sur 4j au lieu de 5. Je me motive donc à faire ça. Mais pour rejoindre Idyllwild, ça m’oblige à faire une grosse journée. 20.3 miles à nouveau. J’étais arrivé à mon campement à 14h30. Il ne me restait que 3 miles à faire. Je les fais, lentement,souffrant un peu de la chaleur et de la montée.

Quand j’arrive à la route, il ne me faut que 10 minutes pour qu’on me prenne et me dépose en ville. Je retrouve Renegade et Fire de l’Appalachian Trail, et pleins d’autres randonneurs que je ne connais pas. Je n’étais jusqu’à maintenant pas entouré de grand monde, donc ça fait bizarre d’avoir d’un coup de la compagnie !

On a mangé à la brasserie, puis on a fini dans la chambre d’hôtel pour jouer aux cartes et boire du vin rouge.

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