J’y suis. Après de nombreux jours de marche, je m’aventure sur la première section avec de gros dénivelés. Je dois aussi endurer la météo très capricieuse des montagnes. De nombreuse déconvenues m’attendaient pour ces quelques jours, mais les paysages en valent la chandelle !
Jour 68 : mile 1060,7 – Salida
Journée de repos à l’auberge de jeunesse. Je suis passé à la poste pour récupérer mes chaussures. Comme je m’y attendais, elles n’étaient toujours pas arrivées. Je ne peux pas partir pour 7 à 8 jours de plus avec mes anciennes, c’est risquer une tendinite. Alors j’ai commencé à faire le tour des magasins de sport de la ville. Ils avaient des modèles qui m’intéressaient mais n’avaient pas ma taille. J’ai finalement trouvé une paire correcte dans un magasin qui vend des articles pour les ranchs. Elles ne me plaisent qu’à moitié car elles sont imperméables. Elles finiront trempées de sueur ou lors des traversées de rivières, et n’arriveront jamais à sécher. Elles ont aussi très peu d’amorti au niveau du talon. Mais tant pis, je n’ai pas vraiment le choix.
Je suis ensuite passé au macdonald’s pour un gros repas et pour commencer mon ravitaillement. J’ai commandé 40 nuggets et 4 McDouble, un hamburger avec deux steak. J’ai bien fait attention à demander sans laitue et sans sauce pour que ça conserve mieux. Puis direction vers le caviste du coin pour acheter une bonne bouteille de rouge. J’ai ensuite rejoint Jim et Stallion au Walmart pour terminer mon ravitaillement. On en a profité pour acheter un peu de viandes pour un barbecue et de quoi faire une bonne salade.
De retour à l’auberge de jeunesse, on a lancé le barbecue, préparé la salade, et on a dégusté un très bon repas accompagné du vin. C’était vraiment un très bon moment, un repas copieux et délicieux, le tout avec un très beau coucher de soleil. On s’est ensuite installé pour regarder un film, avant de sombrer pour une bonne nuit.
Jour 69 : mile 1080,1
Je me réveille en douceur et commence à préparer mon sac. Je me rend vite compte qu’il va être très lourd ! La prochaine section est de 5 jours de marche jusqu’à Twin Lake, puis 2 jours jusqu’à Frisco. Twin Lake étant vraiment cher, j’ai décidé de porter plus de nourriture qu’il ne faut pour ne devoir acheter que quelques barres au magasin. Je me retrouve avec 10,5kg de nourriture sur le dos. C’est énorme, et je peine à faire tenir tout ça dans mon sac. Avec ma nouvelle grosse bombonne de gaz, mon ancienne petite de chaussures que je vais garder sur cette section au cas où les autres n’aillent pas, et quelques bricoles, mon sac fini par peser 20,630kg. C’est presque aussi lourd que lorsque je me lançais dans une section de 11 jours sans ravitaillements dans la Sierra Nevada.
Une petite sieste le matin, et nous voilà tous les trois en route vers midi, pancarte à la main, cherchant un endroit où faire du stop. En une petite demi heure, un homme se propose de nous déposer. On commence à marcher vers 13h sur une route de terre – très raide, vous commencez à connaître la musique – qui rejoint le CDT. Puis on monte jusqu’au col de montagne. Une montée de 1050m de D+ d’entrée de jeu.
Je n’ai presque pas ressenti mes tendons avec les nouvelles chaussures. Par contre, il faut le temps qu’elles se fassent. Pour le moment, elles sont assez douloureuses sur l’avant des tibias et au niveau du talon. Ça devrait aller d’ici peu. Elles sont tellement imperméables que mes pieds finissent par surchauffer et être trempés de sueur. Avec les frottements, ça créer quelque rougeurs et trois ampoules peu douloureuses.
La vue au niveau du col est incroyable et me rappelle beaucoup la Sierra Nevada : deux vallées entourées de paroies rocheuses et agrémentées de quelques lacs. Je déguste une dizaine de nuggets et j’entame la descente. Je fini par bifurquer sur l’ancien chemin qu’empruntait le CDT pour aller voir la mine et la bonne abandonnée. Sauf que le ciel a commencé à se gâter. Ils ont prévu 3 à 5 jours d’orages et de pluie, ce qui n’est clairement pas motivant. Voyant ce mauvais temps, j’ai préféré éviter d’aller jusqu’à la ville et j’ai cherché un campement. Jim et Stallion sont arrivés peu après et m’ont aidé dans cette recherche. Ils étaient assez indécis. Le ciel devenait de plus en plus noirs, donc on a fini par se mettre d’accord sur un campement.
Au moment même où je suis entré dans ma tente, une petite pluie est arrivé. 5 minutes après, c’étaient de grosses gouttes. Puis de l’orage. Enfin, de la grêle dont les grêlons faisaient 4 à 5 mm de diamètre. C’est tombé fort, très très fort, si bien que j’avais 3cm de grêle devant ma tente en même pas 10 minutes. C’était impressionnant. J’en ai profité pour glacer mes chevilles. J’ai mangé 2 burger, bu un demi litre de chocolat chaud, et je me suis couché sans demander mon reste.
Jour 70 : mile 5,9 du détour de Mirror Lake
Quel drôle de réveil. J’ai ouvert les yeux à 3h30… Encore parfaitement habillé, la moustiquaire de ma tente encore ouverte. J’étais en train d’écrire mon article hier quand je me suis endormi d’un coup sans m’en rendre compte. Trop flemmard, je suis resté comme ça jusqu’au matin.
La pluie s’était arrêtée. Un chocolat chaud dans le ventre, j’ai rangé mes affaires et je me suis mis en route sur le très beau sentier anciennement utilisé pour descendre le minerai des mines. Une montée très douce donc, jusqu’à en sortir et reprendre un sentier plus classique. C’était très beau de voir cette nature toute humide et d’observer des crêtes et sommets se détacher des différentes couches de nuage.
Redescente dans la vallée en pleine forêt avec de nombreux lacets rendant le sentier très graduel et vraiment plaisant à traverser. J’arrive finalement au niveau de l’intersection entre le CDT et le détour de Mirror Lake. Le CDT monte en haute altitude et est au dessus des arbres sur près de 15 miles. C’est une section supposée magnifique. Le détour reste un peu plus bas dans la vallée. C’est une option plus intéressante si le temps est capricieux. Sauf que le temps était capricieux. J’ai donc préféré prendre le détour qui fait la même longueur que le tracé officiel.
Avant de me lancer sur cette route de terre, je profite des 10 minutes de soleil pour sécher ma tente et mon sac de couchage. Je serai donc un peu moins misérable ce soir. Du moins, c’est ce que je pensais.
Arrivé au col de montagne, je découvre avec effroi un ciel uniformément noir dans la vallée qui m’attend. Je profite d’être au soleil pour prendre une petite pause, jusqu’à voir au loin un mur de pluie s’approcher. Je me met en affaires et pluie et ca commence. Fine pluie… Gros grêlons… Éclairs. Il est temps de me remettre en route pour perdre un peu d’altitude. Une descente assez chaotique sur un sentier de 4×4 où une bonne trentaine de véhicules tout terrain se suivront les uns les autres, me coupant dans mon élan.
J’arrive au lac complètement trempé, les mains qui commencent à geler. La protection contre l’eau de ces derniers est à priori complètement foireuse. Il y a un campement de l’autre côté, donc j’entame le tour. Le niveau de l’eau est si élevé que le lac déborde sur la route à 4 reprises.
Le campement était complètement inondé. Les toilettes sèches étaient à gerber. J’étais dépité et misérable. Jim et Stallion sont arrivés et on a trouvé un endroit à peu près plat pour installer nos tentes mais c’était exposé à la pluie donc on a pris la décision d’attendre que ça se calme. Sauf qu’après une demi heure d’attente, je commençais à trembler dangereusement de froid. Pas possible de rester dans cette position.
Je descend sur la route jusqu’à trouver un campement qui semble correct et légèrement à l’abris sous des arbres. Je remonte prévenir les autres et on s’installe. Monter ma tente alors qu’il pleuvait était dur. Tout l’intérieur était en train de prendre la flotte, et mes doigts étaient si dur à bouger que chaque mouvement nécessitant de la précision était dur à exécuter. J’ai finalement réussi à tout monter. Je me suis mis dans mon vestibule, je me suis complètement déshabillé, j’ai utilisé ma couverture de survie pour me réchauffer dans un premier temps, puis pour éviter de mettre en contact mon sac de couchage avec mon matériel matelas trempé. J’ai enfilé mes vêtements de nuit, je me suis mis dans mon sac de couchage, j’ai bu 2 chocolats chauds et j’ai passé une mauvaise fin de journée, sachant pertinemment ce qui m’attendais le lendemain. Il n’était alors que 16h.
Jour 71 : mile 21,4 du détour de Mirror Lake
Il a plu jusqu’à 4h du matin. J’ai somnolé et dormi pendant près de 13h. Tout était trempé dans ma tente. Mon sac de couchage avait pris la condensation, mon sac dégoulinait dans le vestibule, mon pantalon, caleçon et tee-shirt étaient en boule dans une flaque qui s’était formée pendant la nuit… J’étais misérable.
Je n’avais pas froid, ce qui était en soit pas mal, surtout avec un duvet humide, mais je redoutais le moment où j’allais devoir enfiler ces vêtements trempés et congelés, ranger mes affaires et me mettre en route avec un sac imbibé de flotte, tout ça pour ne même pas pouvoir sécher car ils annonçaient de la pluie toute la journée. J’étais dépité. J’ai bu 5 chocolats chauds dans l’espoir de me remonter le moral.
Vers 8h, j’ouvre les yeux pour découvrir un train de soleil dans le fond de la vallée. A 8h30, l’herbe à 50m de moi était fumante d’évaporation. On s’est tous les trois empressés de sortir tout notre matériel de nos tentes et de tout étaler au soleil. Des nuages se formaient et se déformaient avec toute cette évaporation. Pour la première fois depuis midi la veille, je pouvais sécher mon corps au soleil. Quel intense bonheur. Vous n’imaginez pas.
De là où nous étions, on pouvait voir les sommets complètements enneigés d’une neige fraîche de cette nuit. Si nous avons pris la route qui monte dans les hauteurs, on aurait été ensevelis de poudreuse. C’est très beau à voir d’en bas, mais ça ne doit pas être aussi plaisant d’être dedans.
Mon téléphone, qui toute la nuit peinait à répondre à mes doigts et clignotais de vert à finalement réussi à sécher et refonctionne correctement. C’est très rassurant, et ca m’avait clairement sapé le moral.
Vers 11h, alors que tout notre matériel était enfin sec, on s’est remis en route, pour se rendre compte que… 50m plus loin, il y avait des toilettes publiques propres et assez grandes dans lesquelles on aurait pu aisément dormir. Tant pis ! Au bout de la raide montée, on passe de l’autre côté de la vallée et on a une vue à couper le souffle sur la chaîne de montagne de la Texas Ridge. Des montagnes dont les sommets sont maintenant enneigées avec en leurs pieds de vastes forêts. J’étais abasourdi. Après une journée et une nuit d’inconfort et de douleurs, voir ces paysages m’a fait chaud au cœur.
Je n’avais par contre pas de force. Probablement parce que je n’avais pas mangé de repas complet la veille. J’ai grignoté quelques barres pour avoir de l’énergie un peu plus tard, des bonbons pour de l’énergie instantanément, et une pilule de caféine. Une demi heure après, avec un peu de musique dans les oreilles, j’ai commencé à marcher vite. Très vite ! Je n’ai pas vu passer les miles ! Par contre, n’ayant vraiment aucun amorti sur mes chaussures, j’ai vite fait d’avoir des douleurs sous les pieds surtout en descente. J’ai aussi quelques ampoules peu douloureuses mais une est assez mal placé, juste au dessus du talon d’Achille droit. J’ai mis un peu de tape dessus pour limiter les frottements.
Arrivé au niveau d’une plaine séparée par une rivière, j’avais deux options : faire une heure de marche pour aller jusqu’au pont, ou traverser en plein milieu, quitte à devoir me tremper jusqu’à la taille. La météo étant étonnement très bonne, j’ai décidé de couper. J’ai retiré mon pantalon, mis mes anciennes chaussures pour éviter de ne tremper mes autres chaussures qui commençaient à peine à sécher de la veille, et je me suis aventuré dans la rivière. Le courant était assez fort mais je ne me suis enfoncé que jusqu’à la taille. Quelques minutes plus tard, j’étais au campement, exténué. La caféine est redescendu et je me suis écroulé.
Jour 72 : mile 1125,4
Début de journée vers 8h, après avoir séché toute la condensation gelée sur ma tente. Je remonte la plaine jusqu’à rejoindre le sentier officiel. Au croisement, je vois un élan à une petite cinquantaine de mètres de moi. Puis j’entame une première ascension de 450 mètres de dénivelé positif. C’est assez raide, encore une fois, mais avec un podcast dans les oreilles, je ne vois pas le temps passer. J’enchaîne ensuite sur un passage assez plat avant d’atteindre le pied d’une longue et très raide montée. La montée jusqu’au col de montagne Lake Ann Pass. C’est au dessus des arbres donc j’ai un peu de vent, mais j’ai surtout une vue des plus spectaculaire. Partout autour de moi, il pleut. Je vois les rideaux de gouttes déferler dans la vallée. Le contraste de couleurs est assez impressionnant.
J’arrive au sommet après une fastidieuse montée de 500m de dénivelé, sous un ciel assez menaçant. J’ai vue sur l’autre vallée dans laquelle il pleut aussi. Mais j’ai jusqu’alors été épargné ! Je ne voulais par contre pas rester trop longtemps en hauteur car un orage se faisait entendre au loin. Alors je commence à traverser le névé de neige restant. C’était très incliné et assez flippant, mais en prenant mon temps, J’ai réussi à passer de l’autre côté. A partir de là, je redescendais dans la vallée jusqu’au soir.
Sur la route, j’ai mangé un MIO Scone. C’est une boule de neige dans laquelle je spray un peu de de liquide caféiné et sucré de la marque MIO. Ça fait une sorte de glace et c’est très rafraîchissant. Le ciel s’ouvre un peu et ensoleille le lac Ann, entouré d’une sorte de cirque de falaises vertigineuses. L’eau turquoise donne envie de s’y baigner mais elle est probablement à une température très proche de zéro. Je continue donc ma descente entre ces montagnes de plus de 4000m quand le ciel se gâte de nouveau. Il se met à pleuvoir de petite gouttes. Je décide de me cacher sous un arbre. C’était un bon choix car une demi heure après, fin de la pluie ! Je fais les deux miles qu’il me reste à faire et j’arrive au campement.
Je vais pour monter ma tente, et les arceaux cassent nette. Une tente à 400€, cassé en même pas 30 utilisations. Je suis dépité. Mais je ne suis pas au bout de mes surprises. Toute la journée, l’ampoule au talon a été très douloureuse. Sur un demi centimètre de diamètre, c’est la chaire vif qui frotte sur l’arrière de ma chaussure. Quand j’ai voulu mettre un bout de tape dessus pour limiter les frottements, je me rend compte que j’ai perdu mon couteau la veille.
Je me couche donc sans moral. Mais au moins, il ne pleut pas.
Jour 73 : mile 1146,8 – Twin Lakes
Réveil matinal, à 5h, pour arriver en ville pas trop tard et profiter de la journée. J’ai un superbe levé de soleil sur les montagnes environnantes, avant d’arriver à la jonction qui mène vers le col Hope Pass. Oubliez toutes les fois où je me suis plains de la raideur du sentier. La montée de presque 800m de D+ sur 3,7km m’a complètement coupé les jambes. Une raideur jusqu’alors jamais vue ! 2h de montée plus tard et j’arrive au col pour profiter d’une vue exceptionnelle sur la vallée de Twin Lakes, ma destination pour le jour. Je vois aussi le Mont Elbert, la plus haute montagne du Colorado, à 4400m d’altitude.
Cette montée est à côté du sentier, mais j’aimerai beaucoup la faire. La météo ne semble par contre pas très encourageante pour demain, avec prévision d’orage à partir de 11h. Je verrai si c’est tout de même possible d’y aller.
Au col, je profite d’un peu de réseau pour appeler le service client de ma tente, Big Agnes, avec qui j’ai pu arranger l’envoi de niveaux arceaux, dans une dizaine de jours de marche. Puis j’entame une longue et douloureuse descente de 7,5km. Je perd plus de 1000m d’altitude d’un coup, jusqu’à atteindre une route de 4km jusqu’à la ville.
En ville, je mange et boit autant que possible, je fais un petit ravitaillement, et je me remet en route jusqu’à la jonction avec le mont Elbert, que j’espère gravir demain matin.
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