Ce genre d’aventure longue durée est en soit un challenge à part entière. Mais c’est aussi une succession de petits défis et de petites réussites. J’allais en réaliser un sur cette section. Et pas des moindres !
Jour 74 : mile 1158,4
Hier, je ne suis pas resté en ville. J’ai mangé, profiter d’un peu de repos, et je me suis remis en route le soir pour faire environ 3 miles sur la prochaine section. C’est un moyen de faire des économies, et je devais me rapprocher autant que possible du mont Elbert. Sous la pluie donc, j’ai repris la route. Je suis arrivé à l’ancien parking pour gravir Elbert. Il y avait quelques campements, mais j’étais encore à 20 minutes de marche de la jonction avec le sentier qui monte au sommet. Alors j’ai poussé un peu plus.
Quelle déception quand je me suis rendu compte qu’à cette intersection, il n’y avait pas de place pour installer une tente… Retour à l’ancien parking. Je mange, je m’étire, et je me prépare pour une courte nuit. Je prévoyais un départ à 5h pour atteindre le sommet avant l’arrivée de l’orage.
4h30, je me réveil après avoir vu défiler toutes les demi heures. Je ne suis pas du tout reposé. Je ne sais pas pourquoi j’ai eu tant de mal à dormir. La pluie en pleine nuit m’a sérieusement fait douter de ma capacité à faire ce sentier, mais ça c’est calmé peu avant le réveil définitif.
Je quitte le campement à 5h05 et j’arrive à l’intersection à 5h23. Le Mont Elbert est la plus haute montagne du Colorado, et la seconde plus haute des US (si on ne compte pas l’Alaska), juste derrière le Mont Whitney que j’ai gravi il y a presque 6 ans jour pour jour. Culminant à 4401m d’altitude, cette montagne est juste à côté du CDT. Il est possible de monter par le flanc est et de redescendre par le flanc nord, 5 miles de plus que le CDT. Tout comme le Mont Whitney, c’était un sommet que je voulais absolument faire. Un défis en plus. Et pas des moindres.
7,3km de sentier, 1200m de D+. J’entame donc cette montée sur un sentier d’une qualité irréprochable. Étant la montagne la plus populaire de tout l’état, de nombreuses équipes de bénévoles travaillent sur ces chemins. Tout d’abord dans une forêt, jusqu’à passer au dessus des arbres. C’est parfois raide mais dans l’ensemble plutôt praticable.
Le ciel était couvert. Je voyais des nuages noirs arriver au dessus du sommet. Et effectivement, il a commencé à pleuvoir. Puis ça s’est transformé en grêle. Une demi heure plus tard, le ciel se calme et un petit rayon de soleil vient éclairer les deux lacs et la ville de Twin Lakes. Je prend 5 minutes de pause à la moitié de la montée pour grignoter un peu et profiter de ces paysages, puis je reprend la route. Mes vêtements sèchent rapidement tant mon corps chauffe de porter un sac de 16,5kg sur autant de montée. Je vois le sommet, il est très proche de moi, alors j’accélère un peu. Arrivé à ce sommet, je me rend compte que ce n’en est pas vraiment un, et que je dois encore monter 300m de D+. Je m’exécute, lentement mais sûrement.
J’arrive au sommet pour me rendre compte que… Ce n’était toujours pas la fin de la montée ! Je monte les 150 ou 200m de D+ qu’il me manquait et j’atteins enfin le sommet officiel du Mont Elbert. 4401m d’altitude. 2h57 de marche. Stallion y était déjà. Nous n’étions que 2, dans le parfait calme de cette montagne. Le ciel se découvre et nous offre un beau soleil. Je l’ai fait. Cette montagne dont je rêve depuis bien longtemps, je l’ai gravi. J’avais beaucoup de souvenirs de mon ascension de Whitney qui me revenaient. J’étais si heureux !
Le sommet offre une vue des plus époustouflante sur toute la vallée. Les deux lacs, la ville de Leadville… Mais aussi sur toutes les montagnes environnantes ! De grands monts, parfois enneigés, se marchant les uns sur les autres. C’était incroyable !
Une fois n’est pas coutume, j’ai fait ma photo nue au sommet, en tenant une canette de Coca cette fois ci, que j’ai dégusté lentement. Puis Rattler est arrivé. Ainsi que de nombreux randonneurs occasionnels dont certains n’avaient à priori aucune expérience en montagne et dont 2 étaient atteints de maux d’altitude.
Au loin, on pouvait voir le ciel s’assombrir dangereusement. Les nuages s’approchaient rapidement. J’ai préparé un thé en vitesse, histoire de profiter de quelque chose de chaud dans la fraîcheur des hautes altitudes, et à peine le temps de le boire que les nuages sont arrivés dans la vallée voisine et ont commencé à se déverser à grosses gouttes. Un peu de toner se fait entendre au loin; un faut vite redescendre !
On galope dans la descente, croisant de nombreux randonneurs qui trouvaient que c’était une bonne idée de continuer à monter malgré l’orage. La pluie fini par s’abattre sur nous. On a tout de même réussi à atteindre les premiers arbres pour se mettre un peu à l’abris. L’orage s’approchait à grands pas ! Pendant une accalmie, on s’est remis en route. On a croisé une équipe de bénévoles en train de refaire une partie du sentier. Dans l’équipe, qui croise-je ? Twig, que j’avais rencontré en train de faire du bénévolat au niveau d’une source chaude le long de la rivière Gila, après 2 semaines de marche ! Sacré coïncidence.
Tout le reste de la journée, il a plu par intermittence. Une demi heure par ci, dix minutes par là. Il y avait un orage en continu qui raisonnait derrière moi. Le sentier était assez simple. Après une montée de 400m de D+ c’était relativement plat, dans une forêt de pins et sur un sentier très large et parfaitement bien entretenu.
J’ai rejoint Jim qui nous attendait à un campement un peu plus loin. Il ne voulait pas gravir Elbert et voulait une petite journée pour se reposer. Sauf que le campement erreur de piètre qualité. Alors, non sans mal, on a décidé de pousser 2,5 miles de plus pour avoir un meilleur campement. J’étais à bout de force, mais j’ai suivi le rythme. Une heure plus tard, on arrivait à un campement le long d’une rivière. À peine le temps de monter la tente que la pluie reprend, mais pour 2h non stop cette fois ci.
Je suis exténué. Vraiment à bout de force. 1600m de dénivelé positif, 1300 de dénivelé négatif, un total de 17 miles. Je n’ai même pas faim, mais je me force à manger pour être en forme demain. Je suis tout collant de sueur et d’eau, c’est désagréable, mais j’ai passé une journée des plus incroyable. À 17h30, je ferme mes yeux pour une sieste. Quelle journée !
Jour 75 : mile 1174,2
Il y a des jours et des jours sans. Aujourd’hui, c’était définitivement une journée sans. Sans moral, sans physique, sans vues. J’ai passé une bonne nuit, mais je me suis senti très fatigué toute la journée. Je n’avais pas de force. J’avais tout de même 16 miles à faire et 1200m de dénivelé positif.
Départ sous la pluie, pour une montée d’entrée de jeu. Stallion et Jim me dépassent rapidement alors que j’ai en général une bonne demi heure d’avance. Je force sur mes muscles encore endoloris de la veille. La pluie s’arrête et laisse place à un grand soleil, dont je profite pour sécher toutes mes affaires trempées, dont mon sac de couchage. J’étais à côté d’un parking où beaucoup de monde se garaient. Une femme m’a donné une banane et une clémentine avant de reprendre la route. C’était délicieux et très apprécié !
Néanmoins, je n’avais vraiment pas de force, malgré le sucre et les barres de céréales que j’enchaînais. J’entame la seconde montée de la journée, toujours en forçant sur mes muscles. Je commence à sentir une douleur aux chevilles. Je ne sais pas si c’est musculaire, tendineux, ou si c’est juste mes chaussures qui font mal en appuyant sur ma peau. Je fais quelques pauses pour masser tout ça, mais très rapide car je me fais bouffer par des centaines de moustiques à chaque fois. Les moustiques qui d’ailleurs me rendent complètement taré car même en marchant, ils arrivaient à venir me piquer. J’ai des remontées acides toute la journée et la gorge un peu gonflée. Si ce n’est des cranberries que j’ai mangé dans un mélange avec des amandes, je ne vois pas ce qui pourrait me causer cette réaction.
Puis c’est le retour de la pluie, de la grêle et de l’orage. Déjà que mon moral était bas, et que mon cœur n’était pas à la randonnée, ça m’a achevé. La météo me fait détester cet état et ces incroyables montagnes. Ça fait maintenant 2 semaines que je suis misérable chaque jours à cause de la pluie ou de l’humidité. Ça bouffe mon moral. Et marcher toute la journée dans la forêt avec une toute petite ouverture de 50m n’aide pas à relativiser.
J’arrive au camp, trempé. Je monte ma tente rapidement pour échapper aux moustiques. Je mange, entouré de 30 de ces merdes posés sur ma moustiquaire. Une envie extrêmement pressante de faire la grosse commission arrive juste après manger. J’essaie de me retenir en espérant pouvoir passer la nuit comme ça mais impossible. Alors je cours faire mes besoins pour retrouver ma tente avec 7 moustiques à l’intérieur.
J’ai vraiment pas pris de plaisir aujourd’hui. J’attend avec beaucoup d’impatience le retour en ville dans 3j pour me reposer.
Jour 76 : mile 1186,6
Après une nuit de près de 12h, j’ouvre les yeux dans un sac de couchage humide mais dans une forme incroyable. J’avais vraiment besoin de repos.
Parlant de repos, Jim a réussi à trouver une chambre d’hôtel pas trop cher pour le 4 juillet, qui est une fête nationale. On a donc 3 jours pour atteindre Frisco, à 26 miles à peine. Ayant donc pas mal de temps à tuer, on a décidé de faire du stop jusqu’a Leadville pour manger un bon repas avant de retourner sur le sentier.
Un burger plus tard, on rejoint d’autres randonneurs dans un bar pour boire quelques tequila, puis on se remet en route. Sauf que juste avant de commencer à faire du stop, une énorme averse a commencé. On a tout juste eu le temps de rentrer dans un subway avant que ca ne se transforme en grêle. On a attendu un peu que le temps s’améliore, en mangeant un sandwich, puis on a repris la route.
Sauf que sur le chemin, il y avait un magasin… Je me suis senti obligé d’acheter un pot de glace Magnum que j’ai fini bien rapidement, et deux donuts au chocolat dont un n’a pas survécu 10 minutes. On à enfin réussi à faire du stop puis on a marché les derniers miles de la journée. Au campement, j’ai sympathisé avec deux americains qui marchaient le Colorado Trail avant que la pluie ne me force à rejoindre ma tente.
Jour 77 : mile 1199,6
Début de journée en douceur avec un bon donut et deux paquets d’oatmeal chauds. Le sentier continue de monter dans une belle forêt de pins jusqu’à passer au dessus des arbres. Pendant un peu plus de 2h, je monte jusqu’à atteindre le col Kokomo a 3700m d’altitude. Il fait un grand soleil, c’est vraiment plaisant.
Au col, je fait sécher tout mon matériel en profitant d’une belle vue sur 2 chaînes de montagnes qui ressemblent fort à la chaîne des aiguilles dans nos Alpes françaises. C’était bien sympa à regarder, sauf l’une des montagnes qui était complétement creusée par une mine.
Le sentier suit ensuite un flanc de montagne jusqu’à passer dans une autre vallée où j’entame une longue descente. Mes chevilles commencent à me faire à nouveau mal mais j’espère que la journée de repos de demain les remette d’aplomb.
Alors que je descendais dans la vallée, j’ai aperçu un énorme élan, pas si loin de moi. C’était très excitant de le voir d’aussi près. Il mangeait sans vraiment se soucier de moi.
Il y avait beaucoup de personnes en VTT et de randonneurs du Colorado Trail qui allaient vers le sud donc c’était vite agaçant de devoir laisser passer. D’autant plus que le ciel était en train de se charger en nuages noirs et que je voulais absolument arriver au campement avant d’etre trempé.
J’ai finalement réussi à atteindre le campement, pas très loin d’une autoroute mais juste à côté de la ville, après quelques gouttes à peine. Il était 14h. 5 minutes plus tard, la pluie s’est transformée en grêle et un orage a éclaté. À un moment, je n’arrivais même pas à compter une seconde entre l’éclair et le toner.
Je n’ai généralement pas petit de l’orage, eu j’apprécie même le spectacle démentiel qu’ils produisent. Mais les éclairs qui tombaient à même pas 200m de moi craquaient dans un boucan fénomenale. Pour la toute première fois de ma vie, je me suis senti terrorisé par une tempête. Vraiment tétanisé. Un toner très aiguë qui arrachait le ciel et une partie de la confiance que j’avais au sein d’une tempête. Puis des réverbérations graves pendant une dizaine de secondes qui faisaient vibrer le sol. À ça s’ajoute la grêle qui tombe avec puissance et inonde mon vestibule.
Alors je me suis allongé dans ma tente, et j’ai attendu. Après tout, je ne pouvais rien faire de plus qu’espérer que ca ne me tombe pas dessus. J’ai fini par faire une sieste de 2h. La pluie s’est arrêtée vers 19h. J’en ai profité pour prendre quelques aiguilles de pins pour en faire un thé. C’est riche en vitamine C, ça a un léger goût de citron et c’est un peu sucré. Puis je me suis couché, en ayant très hâte d’être en ville le lendemain.
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