Les tendinite empirent. Je suis contraint de prendre plus de repos que je ne l’aurait voulu. Néanmoins, je fini par reprendre la route. Je vais, sur cette section, terminer le premier état de l’aventure. Fini la Georgie, bonjour la Caroline du Nord !
Jour 11,12,13,14 : mile 69,2 – Hiawassee
Malheureusement, ce que je craignais est arrivé. Mes tendinites aux fibulaires ont empiré. Il semblerait que je sois incapable de faire une longue randonnée sans me blesser au début de l’aventure. J’ai pourtant radicalement changé mes habitudes afin d’éviter tout ça. J’ai commencé très lentement, prenant beaucoup de repos. J’ai arrêté de consommer du sucre rapide et me suis tourné vers de la nourriture riche en protéine, en omega 3 et en fibre. J’ai introduit une consommation conséquente et quotidienne en curcuma pour ses propriétés anti-inflammatoires. J’ai pris pour habitude de faire 1h d’étirements et de massages quotidiens. Je fais des pauses régulièrement pour tremper mes pieds dans de l’eau froide ou pour les surélèver. J’ai des semelles orthopédiques plus adaptées qui devraient limiter le travail de mes fibulaires. Mais malgré tout ça, j’avais trop de douleur en me réveillant après une nuit à Clayton.
J’ai donc décidé de m’écouter plutôt que de forcer. J’ai pris 4 jours de repos complet. J’ai alterné d’un hôtel à l’autre, essayant a chaque fois de partager la chambre avec d’autres randonneurs pour limiter les frais. Chaque jour, j’avais plusieurs séances de massage, d’étirements… J’ai mis de la glace, pris des ibuprofenes, fait une thérapie chaud/froid comme je l’avais fait sur le PCT. Chaque jour je me réveillait en me demandant si j’allais pouvoir reprendre l’aventure.
C’est psychologiquement usant de baigner dans l’incertitude. Pourrais-je continuer le sentier ? Est ce que ça ne risque pas d’être un abandon ? Et si j’en j’abandonne, serais-je capable de l’accepter, ou de m’en pardonner ? Une multitude de questions qui me rongent à chaque douleur que je ressens. C’est une dose de stress non négligeable et qui entache la beauté de l’aventure.
Jour 15 Pluie 5 : mile 73,7
Je me lève de bonne heure après une horrible nuit en auberge de jeunesse. Ma voisine avait un ronflement abusément puissant, parlant et rigolant dans son sommeil. Mais ce n’est même pas le plus dérangeant. J’ai eu de très très grosses remontées acides, avec des nausées. Ma consommation en anti-inflammatoires ces derniers jours était aux limites maximales recommandés. Il n’est donc pas étonnant que je finisse par réagir de la sorte. Ça m’a maintenu éveillé pendant de nombreuses heures avant que je n’arrive enfin à m’endormir. Mais je devais me lever tôt car j’avais une visio avec mon podologue. J’ai demandé à la première personne qui me passait sous la main de faire la manipulation que le podologue me montrait en direct. Le but était de faire bouger la tête de la fibula afin de la remettre en place. Avec les tensions que j’ai eu ces derniers mois, il était probable qu’elle se soit bloquée. La manipulation faite, j’ai senti un peu de mouvement dans mes jambes. En espérant que ça ait eu un effet positif !
Je me remet en route en début d’après midi avec pour objectif de ne faire que quelques kilomètres jusqu’à l’abri le plus proche. La section est censée être faite en 4 jours, mais je la planifie en 5 pour une reprise progressive.
Il pleut averses depuis le matin et c’est censé se maintenir jusqu’au milieu de la nuit. Je me remets en route donc avec mes vêtements de pluie. Le sentier enchaîne 2 montées pas trop raide, mais suffisantes pour que je me réchauffe. Niveau température, ce n’est pas trop mal. J’ai évité l’une des nuits les plus froide, où la température est tombée à -11 degrés. C’est censé se réchauffer dès aujourd’hui.
J’ai quelques douleurs en début de marche, jusqu’à ce que mes muscles se chauffent. Je fais des pauses fréquentes, même s’il n’est pas terrible de s’arrêter sous la pluie. Je me fais dépasser par une bonne dizaine de personnes tant je vais lentement ! Le sentier n’est souvent qu’un chemin de boue sur lequel je glisse régulièrement. Je fais attention à chacun de mes petits pas que j’assure avec mes bâtons de marche.
J’arrive finalement au niveau de l’abri qui est déjà bien rempli. On me fait tout de même une petite place à l’étage, au bord du vide. Je vais devoir faire attention de ne pas rouler cette nuit ! Mais au moins je n’ai pas besoin de mettre ma tente sous la pluie. On se retrouve à 18 dans un abri normalement fait pour 14. Il y a une bonne ambiance et je rencontre des gens d’un peu partout que je ne reverrai pas demain car ils prévoient tous de faire 12 miles le lendemain, alors que j’ai pour objectif de faire 8.
La section sur laquelle je suis va monter un peu en altitude et je ne redescendrai pas avant quelques jours. Je suis bien content que la vague de froid soit terminée !
Sur les derniers kilomètres, j’ai eu un peu plus de douleurs qui se sont réveillées. J’espère que ce n’est rien. Je me couche la boule au ventre que demain soit un abandon.
Jour 16 : mile 85,9
J’ai passé une excellente nuit, comme j’en fais rarement en randonnée. Il a fait chaud, c’était un régal. Je me suis levé sans douleur aux chevilles, et c’était rassurant. Je me suis mis en route à 8h30 vers le prochain abri à seulement 8 miles de là. C’était par contre 8 miles assez intensifs en termes de dénivelé positif. De quoi travailler le cardio et me faire suer. Le soleil à fait son apparition plusieurs fois, rappelant les premiers jours de printemps.
Après deux bonnes heures de marche, j’ai atteint le frontière entre l’état de Géorgie et l’état de la Caroline du Nord. C’était un grand pas dans l’aventure ! Plus que 13. J’ai aussi vu, non sans émotion, le fameux chêne tordu sur l’on retrouve dans toutes les vidéos et sur beaucoup de photos de l’aventure. Le voir en vrai et pourvoir le toucher m’a fait tout drôle.
En arrivant à l’abri, vers midi, j’ai mangé et je me suis rendu compte que j’avais changé mes plans après avoir fait mes calculs de distance. Si je suis mon plan, je ferai la section en 6 jours au lieu de 5 que j’avais prévu. Sauf que je n’ai pas assez de nourriture pour 6 jours ! J’ai donc été contraint de pousser 5 miles de plus jusqu’à l’autre abri. Un total de 12 miles avec un peu plus de 1000m de dénivelé positif… Une grosse journée, alors que je voulais y aller doucement.
Alors que je mangeais mon dîner, je me suis rendu compte que j’avais oublié 2 repas et quelques barres de céréales à l’auberge de jeunesse. Je me retrouve avec 1 journée et demie de nourriture pour encore 3 jours de marche. Et pour compliquer le tout, la précision météo a changé et annonce maintenant de la pluie pour 3 jours de suite… J’ai demandé autour de moi si les autres avaient de la nourriture en trop mais tous étaient déjà trop juste. Je suis donc contraint de me restreindre dès maintenant. Je me couche avec le ventre qui gargouille.
Mes chevilles ont étonnement très peu fait mal aujourd’hui. Si ce n’est quelques tensions par moment, c’était plutôt endormi. Pour mon plus grand plaisir ! C’est par contre mes tendons d’Achille qui ont pris le relais sur les 3 derniers kilomètres. J’espère ne pas payer le prix de cette distance demain.
Jour 17 : mile 102,1
Aujourd’hui ne s’est absolument pas passé comme je l’avais prévu. J’étais censé faire 7,8 miles jusqu’au prochain abri, mais j’y suis arrivé à 11h30. Sachant que les prochains jours sont censés être pluvieux, j’ai pesé le pour et le contre de pousser jusqu’à l’abri suivant. Plutôt que de faire 16 miles sous la pluie, en 2 jours, je pourrai n’en faire que 7 et quelque en une journée… De plus, pousser jusqu’au prochain me ferai passer en haut du mont Albert, sur lequel il y a une tour de guet contre les feux de forêts. Ce serait dommage d’y arriver en pleine pluie et de ne rien voir des alentours…
Je le lève au petit matin, complètement dans les nuages. Il fait frais mais pas froid. Le vent souffle beaucoup et à chaque rafale, de grosses gouttes d’eau tombent des arbres. Je me lance donc dans mes vêtements de pluie. Je ne ressens aucune douleur ou gêne suite à ma journée d’hier et je me sens du coup un peu plus apaisé.
Le sentier monte un petit peu jusqu’à un point de vue duquel je ne verrai absolument rien. Puis il suit la crête sur un presque plat très plaisant à marcher. Je me prends de temps en temps des bourrasques de vent à m’en faire perdre l’équilibre mais ça reste rare. De là, le sentier entame une longue et graduelle descente. J’arrive à faire de la distance rapidement, ça fait plaisir ! Un peu avant que j’arrive tout en bas, le soleil commence à pointer son nez et les nuages laissent progressivement place à un grand ciel bleu. Le beau sentier en terre de transforme aussi en amas de pierres et racines, ce qui me ralenti un peu, mais j’atteins tout de même l’abri à 11h30.
Vu le temps qu’il me reste sur la journée, les prévisions météo des prochains jours, et l’état de mes chevilles, je décide de pousser vers le prochain, à presque 9 miles de là, doublant la distance que j’avais initialement prévue de faire. Si ce n’est lorsque je fais une pause, je ne sens pas trop mes chevilles. Par moments, ce sont mes tendons d’achilles qui deviennent un peu sensibles mais après quelques étirements, je suis près à repartir.
Je limite par contre énormément ma consommation de nourriture, histoire de faire tenir ce dernier jour jusqu’à ce que j’arrive en ville. Mais ça, c’était avant de tomber sur une trail magic des plus improbable ! Sur une route difficilement accessible, à quelques centaines de mètres de la section la plus dure de la journée, 3 personnes ont installé leur campement et faisaient cuire des hotdogs. Quel excellent timing ! Alors que je manquais de force et de nourriture, ils m’ont nourri et j’ai pu ravitailler de quoi faire un repas de plus et quelques snacks pour le matin.
Je repars, le ventre plein et sans le besoin de me rationner, pour faire la section la plus dure de la journée. Il s’agit de l’ascension du mont Albert. 0,3 miles, 500m avec un dénivelé de fou. Des passages si raides sur la pierre que je suis obligé d’utiliser mes mains. Ça a bien fait travailler mon cardio, mais ça en valait le coup ! D’une part parce que je venais de dépasser le marqueur des 100 miles (160km) de l’Appalachian Trail, d’autre part parce que j’étais au pied de la tour de guet qui est utilisée pour détecter des feux de forêt.
J’ai toujours voulu monter dans une et observer la vue des alentours. J’étais du coup tout excité ! Malheureusement elle était fermée, mais j’ai tout de même pu aller en haut des escaliers. De là, j’avais la vue la plus impressionnante que j’ai pu avoir depuis le début de l’aventure. Je me suis rendu compte à quel point l’est des USA est vallonné. C’était magnifique !
Le reste de la journée n’était qu’une descente jusqu’à l’abri. J’airai fait un total de 16,4 miles (26,2km) avec près de 1000m de dénivelé positif. Ma plus longue journée en distance. De voir que mon corps a réussi ça m’a beaucoup rassuré pour la suite. Demain, je n’aurai que 7 miles et quelques pour arriver en ville, avec une journée d’avance. Ce soir, je suis à l’abri de la pluie et de l’orage qui sont prévu pour cette nuit, et j’en suis ravi !
Jour 18 Pluie 6 : mile 109,4 – Franklin
J’ai plutôt bien dormi, même si je me suis rendu compte vers 4h que j’avais laissé un sachet de pistaches dans mon sac. J’ai décrété que si les souris le voulaient, elles auraient déjà fait un trou. J’ai aussi été réveillé par la puissance de la pluie sur la taule juste au-dessus de ma tête. Mais j’étais bien au sec et au chaud dans mon sac de couchage.
C’est toujours dur par contre de se motiver le matin lorsqu’il pleut comme ça. Mais je me lance tout de même ! Je m’habille et je vais chercher ma nourriture qui pendait dans un arbre pour éviter que les ours n’y accèdent. Sur les 30m que j’avais à faire, j’ai glissé et je suis tombé sur les fesses tant le sentier était incliné et boueux. J’ai fini par récupérer mes affaires et me mettre en route. Quelques minutes après, la pluie s’est transformée en petite brume, puis a laissé place à un grand ciel bleu. C’était pour le moins inattendu !
Une petite montée, puis on suit les crêtes sur quelques kilomètres avant de redescendre vers une première route. De celle-ci, il est possible de rejoindre Franklin mais presque personne n’y passe. Donc j’ai poussé jusqu’à celle juste après, 6km plus loin. Une bonne montée pour retourner dans les hauteurs, puis une descente progressive jusqu’à Winding Stair Gap. Là, la femme de Terry l’attendait en cuisinant des burgers. C’est un randonneur dans sa 60aine avec qui j’ai pu discuter un peu ces derniers jours aux abris. Elle m’a servi un burger, puis un second mais avec un steak de bison. C’était un régal !
De là, j’ai pris une navette pour rejoindre Jukebox, Shamrock et Riddle que je côtoie depuis 3 jours. On partage une chambre d’hôtel ensemble pour limiter des dépenses. Un trail angel vient nous déposer 2 pizza qu’on dévore, puis on va rejoindre un autre groupe de randonneurs pour prendre un bon repas tous ensemble, dans une ambiance très joviale.
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1 Commentaire
Courage et courage.
C’est bien beau, éclate toi