La Pennsylvanie fut un état pour le moins compliqué physiquement. J’étais très content de passer dans le New-Jersey. Sur cette section, de nombreuses choses allaient se passer, dont quelques jours pour le moins déroutants dans la ville de New-York.

Jour 102 Pluie 23 : mile 1310,5

On a profité de la cuisine de l’auberge de jeunesse pour préparer un brunch. Départ assez tardif du coup, pour une journée plus courte que d’habitude. Je commence à traverser le pont qui sort de la ville et tombe sur le marquage au sol qui délimite la frontière entre les Etats de Pennsylvanie et du New-Jersey. Début donc de ce 8 ème état !

Nous sommes samedi, et le bout de sentier que je commence à faire est fort emprunté. Pendant une grosse partie de la journée, je devrais zigzager entre les randonneurs et les chiens. Le chemin est par contre dépourvu de rochers pendant quelques kilomètres et c’est un bonheur. Au niveau du sommet par contre, ça redevient comme la Pennsylvanie. Par contre, j’ai droit à de plus en plus de points de vue. Malheureusement, il y a beaucoup de fumée et de brume dans l’atmosphère donc la visibilité n’est pas terrible, mais ça reste mieux que les précédentes semaines ! Ainsi, au sommet d’une petite montagne, j’ai pu avoir une vue à 360 degrés. Un peu plus loin, j’étais sur un pan de falaise très scénique.

J’ai aussi marché le long d’un lac; un environnement qui me manque beaucoup sur ce sentier. C’était difficilement praticable à cause des rochers et de la végétation, mais c’était beau et paisible. Plus loin, j’ai atteint une tour de garde contre les feux de forêts. Ça faisait quelque temps que je n’en avais pas croisé ! Je suis monté aussi haut que possible mais je n’ai pas eu de meilleure vue que le reste de la journée. Le vent était par contre intense, et j’ai eu droit à quelques gouttes. Enfin, j’ai atteint le campement. Je mangeais dans ma tente quand deux tiques sont venues se balader sur cette dernière. Ils vont être de plus en plus présents sur les semaines qui viennent.

Jour 103 : mile 1334,3

En m’étant couché à 18h30, il n’était pas étonnant que je passe une bonne nuit. Même une excellente nuit ! Je me réveil bien reposé comme ça m’arrive rarement et à 5h45, j’étais déjà en train de marcher. Le premier ravitaillement en eau n’était vraiment pas terrible; de l’eau stagnante avec des insectes morts qui flottent. J’ai préféré continuer jusqu’à la prochaine quelques 12km plus loin. Je suis encore sur une section relativement sèche, et pousser autant avec à peine un litre n’était probablement pas la meilleure solution, mais ça a tout de même bien fonctionné.

Alors que j’étais tranquillement en train de marcher sous le soleil levant, j’ai entendu un petit bruit à côté de moi. En regardant, j’ai vu un porc-épic en train de fuire. Je voulais une belle photo de lui alors je l’ai suivi hors sentier mais ça devenait très vite trop raide pour moi. Je n’ai donc pas réussi à l’avoir en photo, mais j’ai vu ses petites fesses, comme celui que j’avais vu l’année dernière sur le CDT ! Un peu plus loin, j’entends un autre bruit. Je regarde et… Un ours noir, à moins de 50m de moi ! Il me regarde puis se met à marcher à l’opposé de moi. J’ai essayé de trouver un angle sans trop d’arbres histoire de le prendre en photo mais il ne m’a pas laissé le temps. Je suis dans l’état dans lequel il y a le plus d’ours, donc il y a de fortes chances que j’en croise quelques autres.

J’arrive avant midi au col de montagne où se trouvait un restaurant, à 14 miles de mon point de départ. C’est particulièrement rapide, et je suis très content de ma performance. Je mange un burger puis je fais du stop pour aller dans la ville d’à côté pour ravitailler. Ce n’est clairement pas le meilleur magasin, mais je n’ai pas trop le choix. En face, il y avait un DairyQueen donc j’ai pris une grande glace. Puis direction le sentier. J’étais fatigué donc j’ai pris une pilule de caféine. Et sur le bord du sentier, j’ai trouvé une bière. J’étais tout content ! Mais une heure plus tard, j’ai commencé à faire un malaise. Vision trouble, maux de tête, vertiges… Je me suis immédiatement allongé, les jambes en l’air. J’ai mangé quelques barres puis bu un peu d’eau. Au bout de 45 minutes, j’ai pu reprendre la route. Je pense que la fatigue, la redescente de sucre de la glace, l’alcool et la caféine étaient un peu trop pour mon corps.

J’arrive à l’abri sur les coups de 17h30, ce qui est une bonne journée plutôt rapide. Les rochers sont de moins en moins présents, et les vues de plus en plus intéressantes et régulières. J’aime beaucoup cet état pour le moment !

Jour 104 : mile 1355,9

Journée plutôt intense et variée aujourd’hui. J’ai passé une nuit un peu particulière puisque lorsque j’étais en train de m’endormir dans l’abri, j’ai entendu un bruit bizarre à quelques mètres de moi. En regardant ce qu’il se passait, j’ai vu un énorme serpent de plus de 2m de long en train de rentrer dans l’abri puis de se faufiler sous le plancher. Pendant une bonne heure et demi, je n’étais pas rassuré à l’idée de dormir avec un serpent en dessous de moi, mais il n’étais pas venimeux, donc j’ai fini par l’accepter et m’endormir.

Je marche les premiers miles sans faire de pause jusqu’à arriver à une tour de guet. Du haut de celle ci, j’ai pu voir le grand obélisque qui orne le point culminant de l’état du New-Jersey. Le sentier redescendait ensuite jusqu’à un poste de ranger dans lequel j’ai pu remplir mes bouteilles d’eau. Un peu plus loin et j’étais de nouveau dans la vallée, ayant quitté les montagnes pour traverser des champs et pâtures. J’ai aussi pris le sentier qui traverse un marais. Un panneau indique que cette partie du sentier est inondée et qu’un détour existe, mais j’ai préféré l’essayer histoire de changer un peu du sentier classique. Je marchais sur des planches de bois qui parfois s’enfonçaient dans l’eau, mouillant mes chaussures. Mais pour le nombre de grenouilles que j’ai vu, ça en valait clairement le coup !

Le ravitaillement en eau de l’après midi était malheureusement inutilisable depuis hier à cause d’une fuite, et je ne le savais pas. Par chance, l’une des maison sur la route avait une citerne en libre accès et un frigo avec quelques bières.

Le sentier longeait en vérité une réserve naturelle. C’était un marais protégé qui est lieu de reproduction de très nombreux oiseaux comme en témoignent les innombrables mélodies dont j’ai pu profiter pendant une petite heure. Le sentier était parfaitement plat, et bien évidemment, qui dit section plaisante dit fin brutal du fun. Le sentier s’est mis à remonter d’une traite, sur un message beaucoup trop raide, jusqu’au sommet du mont. J’étais en train de suer à très grosses gouttes tant il faisait chaud. Du sommet, j’ai pu voir au loin l’obélisque au pied duquel j’étais ce matin. C’est encourageant de voir toute la distance parcourue sur la journée !

Toute la journée, j’ai été attaqué par les moustiques et emmerdé par les moucherons qui se mettent devant mes yeux et me suivent jusqu’à finir au fond de ma gorge ou dans mes yeux. C’est particulièrement énervant, mais c’est désormais la saison et je n’ai pas d’autre choix que de l’accepter.

Jour 105 : mile 1375,5 – Warwick

Début de journée sympathique. Une descente jusque dans la vallée puis le sentier traverse de belles étendues de marécage, sur un chemin de bois. Un chantier qui a dû prendre un temps incroyable, pour une section vraiment très belle. C’était d’ailleurs calme et plaisant, jusqu’à ce que 3 personnes se mettent à parler très fort au loin, brisant le silence. J’ai tout de même pu profiter de cette section très différente des précédentes.

J’ai fini par arriver à une crèmerie dans laquelle je me suis installé pour déguster des glaces et viennoiseries. J’ai aussi ingurgité une quiche pour 4 personnes. Dur de se remettre en route pour la suite de la journée, surtout vu la chaleur, mais j’allais bientôt passer dans l’état de New-York. En sortant de la crèmerie, j’étais directement confronté au fameux e »scalier jusqu’au paradis » (Stairway to Heaven), une montée très raide constituée de gros rochers. Ça m’a demandé un peu de temps pour atteindre le sommet tant j’étais essoufflé, mais de là, j’ai pu apprécier une belle vue sur un petit détour de 100m à peine.

Ensuite, c’était un enchainement de petits monts. Parfois, le sentier longeait un étang formé par des castors mais dont l’eau est impropre à la consommation. Parfois, il longeait des source d’eau complètement asséchées. Puis il a fini par remonter dans les hauteurs. De là, c’était un sentier sur des gros rochers avec quelques murs à monter ou descendre. Jusqu’à arriver à la fameuse frontière entre les états du New-Jersey et de New-York. Incroyable ! Encore un état de terminé !

Il faisait excessivement chaud, mais j’étais content de réussir à voir au loin, très loin, dans la brume, les gratte-ciels de la ville de New-York. Ville dans laquelle je passerai quelques jours, histoire de découvrir. Après une longue descente, j’arrive à une seconde crèmerie dans laquelle je mange le meilleur milkshake de toute l’aventure. Puis je fais du stop pour aller en ville. Là, je fais un ravitaillement, puis je me dirige vers le cinéma en plein air. Avant d’y arriver, je trouve des toilettes publiques dans lesquels j’utilise l’évier pour faire une courte douche. Ensuite, je vais dans ce fameux cinéma en plein air. Attraction assez réputée sur le sentier, c’est l’unique cinéma sur le sentier dans lequel les spectateurs conduisent leur voiture et regardent le film en mettant leur radio sur une certaine fréquence, comme à l’ancienne. Nous, randonneurs, sommes autorisés à camper là et en louant une radio, à regarder un film ou deux. Il y a 3 écrans et ils passent chacun deux films d’affilés. J’ai choisi de regarder « Elemental », le dernier Pixar. C’était une expérience bien sympa ! Le film commençait après le coucher de soleil, donc j’étais bien fatigué. Je n’ai regardé qu’un film avant de me coucher, vers 23h.

Jour 106 : mile 1395,6

Réveillé à 5h par le soleil en cette plus longue journée de l’année, j’étais très fatigué. C’était une petite nuit mais ça en valait le coup. Je prends mon petit déjeuner et je fais du stop pour retourner sur le sentier. Les premiers kilomètres étaient plutôt calmes, mais ça a vite dégénéré en montées et descentes très raides. Souvent, des murs à escalader, dont la première échelle de l’aventure. Parfois, des escaliers comme celui le long d’une cascade asséchée. J’étais du coup plus lent que d’habitude et l’objectif de 22 miles que je m’étais fixé semblait progressivement devenir irréalisable.

Le sentier étant particulièrement rocheux, il n’était pas rare que je perde l’équilibre ou que mes chevilles partent dans tous les sens. Je me suis un peu foulé la cheville droite 3 fois, ce qui a fini par laisser de sérieuses douleurs à chaque pas. C’était un peu inquiétant.

Sur le bord du sentier, j’ai trouvé un arbre sur lequel poussaient les fameux champignons Reishi. J’étais tout content, car c’est assez rare d’en trouver, et les vertus pour le corps sont intéressantes. J’en ai récolté un peu puis j’ai repris la marche. Quelques minutes plus tard, je suis tombé sur un autre arbre avec de superbes Reishi très jeunes.

Les murs se sont enchaînés jusqu’à arriver à un passage surnommé « le presse citron ». Il s’agit d’un passage entre deux rochers particulièrement serrés. Je m’y aventure et me retrouve bloqué à cause de mon sac. Je l’ai donc retiré et je le tenais à bout de bras devant moi. Juste après, c’était un autre petit bout de mur à escalader. C’est un changement de style de randonnée plutôt sympa, mais ça fait travailler les muscles différemment, générant de nouvelles courbatures, ça fatigue beaucoup plus et ça ralenti. Mais je vais m’y faire !

Alors que le soleil était en train de se coucher, je me suis rendu à l’évidence que je n’arriverai pas à l’abri ce soir. Mais ce n’est dans le fond pas très grave, car j’ai du coup l’occasion de dire au-revoir à Fonzy qui arrête le sentier car il doit reprendre le travail. Il a même acheté des pizzas pour tout le monde; très sympa de sa part ! Alors que la nuit tombait, j’ai marché deux kilomètres de plus jusqu’à trouver un endroit suffisamment plat pour installer ma tente et m’écrouler. J’ai les chevilles en feu et la plante des pieds douloureuse.

Jour 107 Pluie 24 : mile 1411,1 – New-York City

Mes chevilles sont toujours très sensibles après cette très bonne nuit. Je me mets en route lentement jusqu’à ce que mes muscles se réchauffent. J’étais en train de répondre à quelques messages tout en marchant quand j’ai entendu un bruit devant moi. Je me suis immédiatement arrêté et j’ai levé la tête. À 5m de moi, un cerf était en train de me fixer. C’était une très belle rencontre !

J’arrive a une intersection ou l’ancien et le nouveau sentier se scindent pour quelques kilomètres. L’ancien sentier a plus de vues mais le nouveau va jusqu’à un pont pour passer au-dessus de l’autoroute. Je n’étais pas effrayé par ce dernier point donc j’ai pris la route la plus scénique. Je ne regrette absolument pas mon choix ! Bien que les marquages aient été enlevés, le sentier était en très bon état. Les vues étaient sympas et j’ai même rencontré un serpent à sonnettes.

Un peu plus loin, je suis arrivé dans le zoo de Trailside. Aussi étonnant que cela puisse paraître, le sentier le traverse. C’est un zoo qui recueille des orphelins et des animaux blessés. J’ai pu voir un lynx, de nombreux serpents et batraciens, des nombreux rapaces et deux ours. J’étais particulièrement excité à l’idée de traverser ce zoo dont j’avais beaucoup entendu parler. De l’autre côté, j’ai traversé le fleuve Hudson, point le plus bas de l’Appalachian Trail, à 39m d’altitude. De là, j’ai fait du stop pour atteindre la gare de Peekskill où j’ai pris un train direction la ville de New-York. Legs connait des amis qui ont accepté de nous laisser leur appartement pendant les quelques jours où ils partent en festival. C’était du coup une très bonne occasion de découvrir cette ville que j’ai tant vu à la télé !

Jour 108, 109 : mile 1411,1 – New-York City

La ville de New-York n’est qu’à 1h de train du sentier. Il aurai été dommage de passer si proche et de ne pas la découvrir. Après une heure de train, on arrive à la gare de Grand Central, en plein centre de Manhattan, l’une des banlieues les plus populaire. Le hall principal est déjà très impressionnant avec son très haut plafond. On ne sors pas tout de suite de la gare; on prend une première ligne de métro, surbondé car il est 17h un jeudi. Quelques stations plus loin et on prend un second metro pour atteindre la banlieue de Brooklyn où on va séjourner quelques jours. Ma première impression, c’est le bruit. Il y a énormément de bruit dans ces stations de métro qui ressemblent à un labyrinthe. Je me sens un peu comme la première fois que je suis allé à Paris.

Quand je sors du metro, je me trouve donc a Brooklyn, dans un quartier hipster plein de muraux. Les batiment font 3 ou 4 étages, et les rues ne sont pas bondées. Par contre, je découvre la fameuse « odeur de New-York », l’odeur des poubelles, et les innombrables détritus partout dans les rues. C’est récurrent à New-York de voir les gens jeter leurs détritus par terre. Et lorsque c’est mis dans une poubelle, c’est souvent ressorti par les rats qui persent les sacs et laissent derrière eux un certain foutoir.

L’appartement dans lequel on va séjourner appartient à 3 amis de Legs, partis à un festival pour quelques jours. On a 2 étages et un jardin; un certain luxe dans ce genre de ville ! On s’installe, on fait tous une douche, on lance une première lessive et on sort pour faire un tour du quartier et manger dans un food-truck. On passe notamment dans un parc où de nombreuses personnes étaient en train de faire leur sport, le cliché parfait de New-York, entouré de bâtiments qui commençaient à prendre de la hauteur.

Le soir, on est sorti dans le quartier pour boire un verre sur la terrasse d’un restaurant. C’est exactement comme j’imaginais New-York; très bruyant, tout est entre-tassé, tout est vieux, sale, ou à moitié terminé. Et étonnement, ça donne son charme à la ville. Et encore, je n’avais vu qu’un quartier d’une banlieu… On se couche sur les coups de 22h, soit déjà très tard comparé à notre heure de coucher sur le sentier.

Je me réveille à 6h, trop habitué à commencer ma journée a cette heure ci. Quand je sors de la chambre, j’entend un bruit d’eau venant de la cuisine. Je me rend compte que de l’eau coule du plafond à 3 endroits, dont autour d’un spot lumineux. Il semblerait que les voisins du dessus aient laissé un robinet ouvert. On résoud ce problème puis direction un café pour prendre le petit déjeuner. Ensuite, on prend le métro pour aller à Central Park, un énorme parc en plein Manhattan, entouré d’immenses gratte-ciels. Et effectivement, je découvre les premiers gratte-ciels dont je ne peux même pas voir le sommet car ils rentrent dans les nuages. C’est impressionnant de voir de si grands bâtiments et pourtant si fins !

Pendant notre longue balade, on passe à côté de quelques statues et fontaines. Puis on passe devant le musée d’arts modernes. On prend un verre dans un bar pour éviter une grosse averse et on rentre à la maison. Avant la tombée de la nuit, on se dirige vers une plage de Brooklyn qui offre une belle vue sur Manhattan. La plupart des gratte-ciel sont dans les nuages, mais la vue est impressionnante.

La statue de la liberté à droite

On a marché de la maison jusqu’aux monuments des tours jumelles du world trade center en empruntant le pont de Williamsburg. La météo était bien plus dégagée et laissait une belle vue sur l’hypercentre. Sur la route, on a traversé Chinatown et mangé dans un restaurant chinois en face duquel les égouts fumaient, comme dans les films ! Sur la route, des rats qui se baladaient tranquillement; comme dans les films ! Arrivés au monuments pour les deux tours, je vois la base des deux bâtiments qui sont maintenant de grandes fontaines. Juste à côté, la nouvelle tour qui a été construite en mémoire aux attentats du 11 septembre 2001. De voir cette immense tour entourée d’autres mastodontes, et de s’imaginer qu’ici même, deux autres tours étaient érigées et remplies quand tout ça s’est produit, ça m’a donné un coup de froid et des vertiges. Je n’ose imaginer l’horreur de la scène.

L’un des emplacements d’une des deux tour jumelles

On a repris notre route jusqu’à atteindre Wall Street, route très fameuse, puis on a traversé le pont de Brooklyn, très touristique. De celui-ci, je pouvais voir la statue de la liberté trôner fièrement sur son île. Le pont en lui-même est vraiment très beau, mais si touristique qu’il était difficile de se déplacer dessus. Quand on en est sorti, on a fait un tour à la librairie publique de Brooklyn avant de prendre le métro pour rentrer à la maison. C’était une longue journée pendant laquelle on a marché un bon 20 kilomètres. Au soir, petite sortie dans un bar à cocktails.

Jour 110 : mile 1421,5

J’ai fait une grasse matinée puis mangé un bagel avant de prendre le métro bondé et le train pour reprendre ma route vers le nord. Il était 15h quand j’entamais la montée très raide qui commence au niveau de la route. L’humidité est à son maximum, de même que les moustiques qui semblent avoir envahi le sentier en mon absence. Je n’ai pas vraiment de force ce qui rend la marche un peu difficile, mais je sais que c’est à cause de la fatigue des derniers jours. Je me sens par contre comme oppressé, et il m’a fallu un peu de temps pour comprendre que c’est parce qu’il n’y a aucun bruit autour de moi. À peine quelques oiseaux. Pas de voiture, pas d’avion, pas de métro ni d’humains… C’est très calme ! Le choc entre la ville et le sentier est vraiment énorme.

Je suis vraiment très content d’être allé à New-York. Je n’aime pas du tout les grandes villes, mais j’ai su apprécier mes quelques jours là-bas. J’ai visité beaucoup d’endroits dont j’avais entendu parler ou que j’avais pu voir à la télévision, mangé pas mal de nourriture différentes, fait de nombreux kilomètres en ville pour découvrir des quartiers et cultures différentes… Une très bonne expérience que j’aurai regretté de ne pas avoir fait alors que j’étais pour la première fois de ma vie si proche de cette ville.

Jour 111 Pluie 25 : mile 1444,7

J’ai été en sueur toute la nuit à cause de l’humidité, rendant la nuit particulièrement ennuyante et inconfortable, et j’étais loin d’imaginer à quel point le reste de la journée allait être pire. Aujourd’hui, j’ai atteint un niveau d’inconfort jusqu’alors jamais atteint. Début de journée dans des vêtements trempés de sueur. Ça allait être encore pire une heure plus tard; le vent s’est arrêté et le soleil est sorti quelques minutes. Il faisait très chaud. Étouffant. Les moustiques étaient en train de me dévorer de partout malgré les 3 produits anti moustiques que j’utilise en même temps. Les mouches me sauraient dessus à plusieurs, sans arrêt, s’écrasant dans mes cheveux, sur mon visage ou dans mes yeux. En même temps, les moucherons venaient se positionner devant mes yeux et y restaient, jusqu’à se loger dans le fond de ma gorge ou de mon nez. Le tout, dégoulinant de sueur et essoufflé dans des montées beaucoup trop raides sur lesquels je ne pouvais pas utiliser.

J’étais énervé au possible. J’ai hurlé plus d’une fois, je me suis claquer la tête à répétition pour essayer d’écraser toutes ces mouches et moustiques. J’ai complétement pété les plombs, plusieurs fois. Puis la pluie est arrivée. Une très grosse averse avec de l’orage. Retour du soleil quelques minutes, puis un second orage. Au total, 7 averses aujourd’hui. Quand je suis arrivé à l’abri, non sans mal, et tout mon matériel complètement trempé, une très grosse averse est tombée pendant plus de deux heures. L’entièreté du campement était une piscine. Impossible de monter ma tente. Je vais devoir rester dans l’abri dans lequel je suis en train de me faire bouffer par les moustiques, alors que j’ai déjà une bonne cinquantaine de piqûres.

C’était très dur aujourd’hui. Je suis dans un constant niveau d’inconfort. Et le pire dans tout ça ? C’est que la météo annonce 9 jours comme ça d’affilés. De là pluie en grande quantité, avec des orages, pendant 9 jours. C’est un supplice.

Jour 112 Pluie 26 : mile 1465,3

J’ai passé une excellente nuit. Comme l’abri était presque vide sur les coups de 21h, j’ai monté ma moustiquaire de ma tente afin d’être à l’abri de ces derniers. J’étais donc au sec, et protégé des moustiques ! Vers minuit, je me suis réveillé pour aller aux toilettes. Nous étions dans les nuages et deux à trois fois par seconde, tout mon environnement se mettait à flasher au violet à cause d’éclairs. Au loin, le grondement se faisait entendre et s’approchait lentement. Ça à fini par arriver au dessus de ma tête, faisant trembler le plancher de l’abri. Des trombes d’eau se déversaient sur les tentes alentours. Au matin, j’étais juste dans les nuages, mais il ne pleuvait plus.

Pas de pluie, mais 100% d’humidité à nouveau, et pas de vent. Du coup, les moustiques, mouches et moucherons ont continué de m’attaquer comme la veille, me faisait une fois de plus complètement perdre mon sang froid. Comme la veille, je degoulinais de sueur. J’étais collant. Jusqu’à ce qu’une grosse averse ne vienne me tomber dessus. J’étais de nouveau trempé de la tête aux pieds, sentant de nouvelles ampoules se former sur mes pieds gonflés. J’ai fini par rejoindre la route où je pensais m’arrêter dans un restaurant pour me sécher un peu et manger quelque chose de chaud, avant de me rendre compte que c’était un food-truck fermé pour la journée. De l’autre côté de la route par contre, un trail angel était installé dans son camion et offrait des soda et sandwich. Un bonheur !

J’allais repartir quand une nouvelle averse est arrivée. Je me suis abrité le temps que cela passe. Quand j’ai repris la route, il pleuvinait un peu. Mais de toute façon, je n’allais pas rester à moitié sec bien longtemps; sur deux kilomètres, le sentier n’était pas entretenu et des centaines de plantes à ronces bloquaient le passage. Je n’avais pas le choix, je devrais les traverser, me faisant couper les jambes et les bras. Et bien évidemment, je me prenais toute l’eau qui était sur les feuilles. J’étais trempé, quand une troisième averse est arrivée pour couronner le tout. À ce moment, j’étais tellement au fond du gouffre que j’ai pris une pilule de caféine, et j’ai marché en essayant de garder la tête la plus vide possible. J’avais des ampoules au niveau des talons d’Achille, mais je faisais comme si ça ne me faisait rien. Finalement, j’ai réussi à atteindre l’abri dans lequel j’ai monté ma moustiquaire à nouveau car il n’y avait personne qui ce n’est des centaines de moustiques.

Juste avant d’y arriver, j’ai franchi pour la première fois la frontière entre les états de New-York et du Connecticut. Le chemin va passer d’un état à l’autre plusieurs fois avant de continuer exclusivement dans le Connecticut. Un état de plus de terminé; c’est fou comme j’avance ! Et d’ailleurs… L’abri se trouve pile à deux tiers de l’aventure ! Plus que 33% du sentier à marcher !

Ce genre de journée et de conditions sont vraiment dur pour le moral et pour le corps. Tous les randonneurs autour de moi semblent eux aussi avoir beaucoup de mal et ne pas apprécier ces derniers jours. Mais ça fait parti de l’aventure; pousser même quand ça ne va pas pour atteindre la fin de l’aventure. Repousser ses limites encore et encore. Je me réjouis tout de même de ne pas avoir trop de soucis avec mon corps ces dernières semaines. Ça aide beaucoup à relativiser en ces moments où je touche le fond du gouffre.

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