Avec un début sous la pluie, je découvre la beauté et la verticalité des montagnes des Whites. La section est pour le moins brutale mais d’incroyables vues sont à la clef. Bien que la fin approche à grand pas, il devient de plus en plus nécessaire de prendre un peu de repos afin de préserver mon corps qui n’apprécie guère ce changement de terrain.

Jour 137 Pluie 35 : mile 1825,2 – Lincoln

L’auberge de jeunesse propose de faire un slackpack intéressant. Vu la pluie qui était prévu, ça semblait être une bonne idée de faire la section et de dormir au sec le soir. Je me suis donc lancé pour ces quelque 16 miles. Une petite demi-heure de marche plus tard, la pluie s’est mise à tomber et ne s’arrêtera pas jusqu’au lendemain.

Je fais ma seule et unique pause dans un abri, après 7 miles. En quelques minutes à peine, je commence à me refroidir. Je ne m’éternise donc pas. Lorsque j’arrive au sommet de la première montagne, j’étais surexposé au vent et à la pluie. Bien évidemment, il n’y avait pas de vue. Par contre, même en bougeant, j’avais froid. J’étais trempé jusqu’aux os. J’ai donc couru un peu pour me réchauffer. Je devais tout de même faire très attention car les rochers étaient glissants.

J’ai réussi à me réchauffer un peu avant que le sentier ne redescende jusqu’à un lac. De là, c’était un sentier assez simple jusqu’à la route où l’auberge de jeunesse vient nous chercher. J’y suis par contre arrivé avec 1h30 d’avance. 1h30 que j’ai passé à grelotter. Mais The Austrian était resté à l’auberge pour nous preparer des spaghettis bolognaise. Une douche brulante, des vetements secs et un bon repas, c’était exactement ce dont on avait besoin après cette dure journée.

Jour 138 Pluie 36 : mile 1835,4

Le journée a été très compliquée. La distance prévue n’était que de 10 miles, soit 16km, mais avec un impressionnant 1700m de dénivelé positif et 800m de négatif. J’ai pris la navette de 11h car ce n’était qu’une demi journée de marche. Ça commençait fort avec une première côte de presque 1000m sur 4km. C’était particulièrement raide. Je me sentais plutôt bien au début, mais c’était avant que mes genoux ne commencent à me faire mal. Très mal. Et je n’avais plus de force, du tout.

Je me suis arrêté de nombreuses fois car je n’arrivais plus à bouger mes jambes. J’ai eu ensuite un grand coup de fatigue. Dans l’ensemble, je me sentais vraiment faible. Un peu comme le jour où on m’a détecté la maladie de Lyme, j’avais du mal rien qu’à mâcher de la nourriture. J’ai forcé, forcé et encore forcé. J’ai pris de la caféine, des vitamines sous forme liquide, puis 400mg d’ibuprofène. C’était dur.

Au sommet, pas de vue, il fallait redescendre un peu et suivre la crête pour atteindre le sommet de Little Haystack. De là, la vue était spectaculaire. J’étais ravi ! Le temps était plutôt dégagé dans l’ensemble, permettant de bien profiter des environs sans pour autant brûler au soleil. Il y avait par contre beaucoup de randonneurs du dimanche car nous sommes samedi. C’était un peu dérangeant.

Le sentier continue de monter en dents de scie, toujours de manière aussi raide, demandant de faire des pas de la taille de deux marches à chaque fois, jusqu’à atteindre le sommet du mont Lincoln, puis celui du Mont Lafayette. Sur ce dernier, j’étais dans les nuages. Il faisait particulièrement froid principalement en raison du vent. C’était encore pire quand il a commencé à pleuvoir. Heureusement, ce n’était pas une pluie aussi intense et longue qu’hier, juste une petite heure.

Le sentier suivait toujours la crête, redescendant pas mal pour ensuite remonter jusqu’au mont Garfield. J’étais dans un état de fatigue et de souffrance absolu. Je ne faisais même pas 2km/h tant j’avais du mal à bouger mes jambes. Mes genoux étaient en feu et j’étais extrêmement faible. J’ai forcé comme ça ne m’étais jamais arrivé pour atteindre le sommet et avoir un coucher de soleil des plus incroyables avec une vue à 360 degrés sur ces fameux monts.

De là, je suis redescendu jusqu’à un abri à côté duquel j’ai monté ma tente. Il fait frais, presque froid, ce qui fait beaucoup de bien. Mais j’ai très peur de l’état dans lequel je vais me lever demain… Était-ce Lyme ? Juste une fatigue passagère ? Un début d’inflammation qui va me poser soucis pour les semaines à venir ? On verra demain. Avec 400mg d’ibuprofène dans le sang, je me couche.

Jour 139 : mile 1849,9

J’ai passé une plutôt bonne nuit si ce n’est les remontées acides et les nausées causées par les ibuprofenes. Il semblerait que mon corps ne tolère plus ça. Je me lève un peu plus en forme que la veille mais toujours très fatigué et faible. Le début de journée se fait en descente. D’abord, sur un sentier classique des Whites avec beaucoup de rochers et très raide, avant de devenir une cascade encore plus raide. Le voilà à descendre les pieds dans l’eau sur des rochers bien glissants.

De là, c’étaient des petites montées et descentes, toujours aussi raides, qui m’attendaient jusqu’à atteindre une hutte. J’ai pu manger des restes du petit déjeuner qu’ils servent aux invités: une omelette ! Reprise ensuite sur une longue montée d’un peu plus de 1000m de dénivelé pour atteindre le sommet de la montagne South Twin. La vue était la même qu’hier mais sans les nuages. Un peu moins excitant du coup. Par contre, le grand soleil était plaisant ! J’ai par contre fait très attention à ne pas trop y être exposé.

Petite redescente jusqu’à une crête de quelques kilomètres qu’il était plutôt sympa de traverser. Je n’avais toujours pas de force et c’était particulièrement dur de bouger mes jambes. Ensuite, très longue descente jusqu’à une seconde hutte dans laquelle j’ai mangé une soupe de lentilles au curry. Ça m’a fait beaucoup de bien ! Enfin, de là, c’étaient 5 miles de faux plat ascendant qui m’attendaient. Quel bonheur de retrouver un vrai sentier, et non un escalier dont les marches sont deux fois trop hautes !

J’ai alterné ma genouillère de droite à gauche toute la journée pour essayer d’aider mes genoux. Ils sont en mauvais état à cause de ce type de terrain… J’ai hâte de retrouver un chemin plus classique, mais il me reste encore une bonne semaine et demie comme ça.

Jour 140 : mile 1863,9

Je me lève bien plus en forme que les deux derniers jours. Je me met en route à 6h, continuant le faux plat de la veille. Ça part ensuite en descente jusqu’à une route. De là, c’est le début d’une longue et raide montée jusqu’à un superbe point de vue. Un plaisir de voir ces montagnes sous ce beau soleil. Ensuite, le sentier s’est remis à monter. C’est devenu des murs d’escalade. J’ai du ranger mes bâtons de marche car je devais utiliser mes deux mains pour passer certaines parties.

C’était un sentier particulièrement compliqué, mais j’ai tout de même atteint la première hutte dans laquelle j’ai fait une longue pause. C’était normalement où je devais m’arrêter pour ce soir, mais il n’était que midi. J’ai mangé deux assiettes de soupe, deux brownies et trois verres de limonade avant de reprendre ma route. J’avais comme nouvel objectif la hutte d’après. 500m de dénivelé en plus pour 5 miles.

C’était une montée constante mais bien plus praticable que ces deux derniers jours. En plus, j’étais bien plus en forme aujourd’hui avec juste quelques douleurs aux genoux et des petits moments de faiblesse mais rien d’aussi intense qu’il y a deux jours. Au sommet d’un petit mont, j’ai enfin pu voir le fameux mont Washington dont j’essayais de m’approcher un maximum aujourd’hui. Un mastodonte que je devrais gravir demain.

Je suis arrivé à l’abri à ceux kilomètres du sommet. Il faut payer presque 170€ pour y dormir une nuit dans un dortoir, mais pour les thru-hikers, une salle est mise à disposition. Nommée « le dongeon », elle ne possède que 6 places. Tout est humide, des champignons poussent un peu partout et ça sent les toilettes. Le tout pour 10€ ! On verra plus tard pour le confort, au moins, je suis à l’abri de la pluie et je suis au pied de cette montagne sur laquelle je devrais avoir le levé de soleil demain.

Jour 141 : mile 1878,9 – Gorham

J’ai passé une très bonne nuit, malgré le réveil à 4h. Je voulais atteindre le sommet du mont Washington au levé du soleil. En sortant de l’abri, je me suis rendu compte du vent, du froid, et de la couche de nuage dans laquelle j’étais. Les prévisions météo annonçaient du beau temps le matin donc je me suis tout de même mis en route en espérant que ça s’ouvre un peu.

Je n’avais que 1,6 miles à faire jusqu’au sommet. Ce n’était pas trop compliqué bien que ce soit beaucoup de dénivelé. Je suis les cairns les unes après les autres, n’ayant de toute façon pas de vision plus loin que 50m. De temps à autre, les nuages s’ouvrent un peu mais ça reste timide. Lorsque j’arrive au sommet, je suis trempé à cause des nuages. Il fait très froid, -2⁰C en ressenti. 70km/h de vent. Je suis le seul au sommet. Tout est encore fermé, il n’y a pas un touriste, pas un employé. Le train qui monte jusqu’au sommet ne tourne pas encore. Je prend une photo avec le panneau, puis je reprend ma route. Je redescend, passe au dessus des rails et suis les cairns. J’avance lentement car le sentier ressemble à la pennsylvanie avec tous les rochers.

Sur les coups de 9h, les nuages se lèvent enfin et laissent place au soleil. Malheureusement, je suis déjà bien loin du sommet. Je suis un peu déçu. J’atteins tout de même l’abri juste avant le sommet du mont Madison. J’y mange 2 pancakes, 2 bols de soupe et 2 cookies. J’étais fatigué, et l’idée de monter sur ce mont ne m’enchantais pas. J’ai donc trouvé un détour qui évite cette montée sans pour autant couper trop de distance. Mantis était dans le même état et m’a donc suivi.

On a pris un petit sentier jusqu’au col puis on a bifurqué sur le Great Gulf Trail. Le début de la descente était raide et sur des rochers mais ça allait encore. Par contre, lorsqu’on est repassé sous les arbres, le sentier était difficilement praticable. On ne voyait pas où on mettait les pieds, alors qu’on descendait sur une paroie bien plus raide qu’un escalier, sautant de rocher en rocher. Puis le sentier se transforme en cascade. Les rochers étaient très glissants. Je range mes bâtons de marche car j’ai besoin de mes deux mains. J’utilise les racines et les arbres pour me retenir. Régulièrement, je suis obligé de m’asseoir sur le rocher pour descendre. À un moment, je suis même obligé de me retourner et d’utiliser une petite fissure dans la pierre pour y coincer mes doigts et descendre mon corps plus bas. C’était de l’escalade.

Ce n’était même pas le pire ! J’ai atteins un endroit où il n’y avait plus de sentier du tout, juste une face rocheuse de près de 30m qui descendait presque à 90 degrés. J’ai cherché à passer autour mais c’était impossible. La descendre semblait par contre possible car quelques semblants de marche étaient visible. J’ai donc très lentement descendu tout ça, faisant particulièrement attention car une chute ici serait fatale. Après ce passage là, le sentier ressemblait déjà un peu plus à un vrai sentier. Du moins, j’arrivais à distinguer ce qui ressemblait à un chemin. De temps en temps, j’étais confus, mais j’ai tout de même trouvé ma route.

On peut voir le sentier sur lequel j’étais, et la verticalité du début

J’ai reçu un message vocal de Mantis qui était en train de paniquer. Elle n’est pas du tout confiante sur ce genre de chemin. Quand j’ai demandé où elle était, les messages ne s’envoyaient pas. J’ai fait une pause mais au bout de 10 minutes, j’ai commencé à m’inquiéter. J’ai donc remonté en criant son nom. J’ai fini par la retrouver quelques 20 minutes plus tard. Elle avait réussi à passer le passage le plus compliqué mais semblait particulièrement traumatisée par la difficulté. Voir qu’elle n’était pas toute seule l’a rassurée et on a pu continuer notre route. On est passé à côté de nombreuses cascades dont une dans laquelle je me suis baigné.

Le reste de ce sentier était bien plus simple. Je n’ai vu des traces de pas que de 3 autres paires de chaussures. Il est si peu utilisé que la nature alentour est intacte. C’est d’une beauté… Je ne peux malheureusement pas prendre tout le temps que je souhaite car la dernière navette qui va jusqu’à l’auberge de jeunesse part à 16h. J’ai 4,2 miles restants à faire en moins de 2h. Je m’active. Ce détour m’aura au final fait perdre beaucoup de temps, mais c’était l’un des plus beau et challengeant chemin depuis ce début d’aventure. Par contre, j’ai du forcer sur mes genoux déjà bien endoloris pour atteindre la route à temps. Ils sont tous les deux gonflés et j’ai du mal à les bouger. Je vais prendre une journée de repos demain.

Jour 142, 143 : mile 1878,9 – Gorham

Une journée de repos s’est transformée en deux. Entre la pluie, la difficulté de la section à venir, et mes genoux, j’ai préféré prolonger mon repos. Ibuprofenes et glace pour mes genoux, crêpes et salade pour mon ventre.

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