Après avoir passé de nombreux jours sur terre, je me lance dans une expédition de quelques jours sur l’eau. S’en suit un enchainement de quelques moments marquants sur une aventure déjà bien entamée.

Jour 79, 80, 81 : mile 944 – Luray

L’un des éléments qui m’a convaincu de faire l’Appalachian Trail, malgré la pluie et les rares vues, c’est la possibilité d’aquablaze sur la rivière de Shenendoah. Aquablazing, c’est le fait de faire de la distance dans un canoë ou kayak. La rivière de Shenendoah coule vers le nord et suit le sentier à quelques kilomètres en parallèle. Des sociétés offrent la possibilité de louer un canoë pour 3 à 12 jours le long de cette rivière. Le point de départ se trouve dans la ville de Port Republic. J’ai donc marché dans le parc de Shenendoah jusqu’à la latitude de cette ville qui se trouve à peu près au mile 900. De là, je suis redescendu jusqu’à Waynsboro avec Andrea, la femme de Kirby, Mantis, Squirrel et PinkFlops. On a été déposés avec 3 canoës au même endroit qu’un autre groupe de 2 canoës. Pas une explication, ni même une indication sur la direction à prendre. On s’est donc débrouillés par nos propres moyens.

La première demi-journée était très reposante. On avançait tranquillement, écoutant de la musique, jouant avec une balle qu’on a trouvé la long de la rivière… Les rapides étaient assez courts et peu intenses mais pimentaient la descente. Dans l’un des rapides, un canoë de l’autre groupe s’est retourné. Ils ont perdu un téléphone dans l’eau !

Quand on a regardé jusqu’où on devait aller, on s’est rendu compte que l’on avait fait qu’un tiers de la distance. À aucun moment l’agence ne nous a précisé que la première journée était longue de 23 miles, soit 37km, avec aucune option de la raccourcir. L’ambiance à vite changé.

On était exténués. La fin de journée n’était même plus plaisante. Autant de distance sur une journée, c’était beaucoup trop. On était surtout très remontés de ne pas avoir eu d’informations du tout de la part de l’agence. Comme le canoë avait un fond d’eau, nos sacs ont baigné. Je me suis retrouvé avec un sac de couchage et des vêtements de nuit trempés. Heureusement, on a fait un très gros feu et j’ai réussi à sécher le plus gros. Je me suis ensuite installé à côté du feu pour dormir à la belle étoile. En pleine nuit, réveil avec des courbatures monstrueuses, et dans un matériel à nouveau complètement trempé par la rosée du matin. J’ai remis quelques bûches et je me suis rendormi.

Début de journée assez tardif. On avait tous un peu peur de retourner sur l’eau tant on était cassés. On l’a tout de même fait. C’était beaucoup plus calme car on avait seulement 15miles à faire. Quelques rapides étaient vraiment intéressants, et certaines sections avaient beaucoup de courant, ce qui était vraiment sympa car on faisait de la distance sans trop nous fatiguer. On a par contre du faire un portage de tout le matériel sur 400m autour d’un barrage. C’était particulièrement épuisant !

En milieu d’après midi, on s’est arrêtés dans un campement pour acheter quelques glaces et sodas. On a fini par monter nos tentes un peu plus loin sur le bord de la rivière.

Le dernier jour, 9 miles à faire. Il n’y avait pas beaucoup de fond donc on s’est retrouvés coincés à plusieurs endroits. On devait sortir du bateau pour se dépêtrer de la situation. Sur l’un des rapides par contre, on s’est retrouvés bloqués à 90 degrés du courant. Dans notre tentative de nous remettre dans le bon sens, on s’est retournés. Immédiatement, on a eu les bons réflexes : récupérer les chaussures, téléphones dans un sac plastique, sacs et bâtons de marche. Squirrel a nagé vers le reste pendant que j’étais en train de sécuriser le canoë sur un rocher. De là, on a écopé une grosse partie. Comme l’une des pagaies nous a échappé, j’étais en charge avec la seconde de nous ramener à elle. C’était chose faite en quelques minutes. L’intégralité du matériel a par contre été trempé, mais nous n’avons rien perdu ! La fin de journée était très reposante. Puis on est allé dans une auberge de jeunesse pour y passer la nuit.

Sur toute cette traversée, j’ai pu voir de très nombreux aigles, vautours, faucons et hérons. J’ai fait la rencontre avec un raton laveur, j’ai observé un chevreuil et un serpent nager d’un côté a l’autre de la rive, et j’ai vu une multitude de gros poissons comme des poissons chats et quelques énormes brochets, et de nombreuses tortues.

C’était une expérience très dure la première journée mais dans l’ensemble plutôt relaxante et très intéressante. Je suis vraiment content d’avoir pu le faire et d’avoir vu autant de faune. J’aurai au final fait 47 miles sur l’eau mais sauté 44 miles à pieds. C’était de toute façon ce que je prévoyais avant de me lancer dans l’aventure.

Jour 82 : mile 969,2

J’ai passé une nuit pour le moins particulière. Je campais dans le jardin de l’auberge de jeunesse, entre une route et une voie ferrée. Mais je n’étais pas au courant de la présence de cette dernière. À 2h, je suis réveillé par un énorme bruit de train. À moitié endormi, j’étais persuadé qu’il allait me rouler dessus ! À 5h, rebelote. Si ce n’est ça, j’ai passé une très bonne nuit.

Je retourne sur le sentier au mile 944, après avoir fait 46 miles de canoë. Je suis content de reprendre la marche. Mon corps un peu moins. Dès le premier kilomètre, une douleur à la voûte plantaire gauche débute et durera toute la journée. Je suis de nouveau dans le parc de Shenendoah, que je quitterai ce soir avant d’arriver à l’abri.

Après quelques heures de marche, sans pause, j’arrive au dernier restaurant du parc dans lequel je mange un burger et un milkshake. Il y a beaucoup plus de touristes qu’avant car la saison a commencé. Je croise donc régulièrement des groupes.

De toute la journée, je n’aurai eu qu’une seule vue. Je suis un peu déçu de ce parc national. J’ai l’impression que de la route, il y a beaucoup plus de points de vue intéressants. Sinon, c’est une belle forêt et le sentier est bien entretenu. Les dénivelés sont très progressifs aussi ce qui était vraiment plaisant. J’aurai juste apprécié un peu plus de vues.

La météo prévoyait un peu de pluie pour aujourd’hui mais si ce n’est les trois gouttes, j’ai eu pas mal de soleil. Demain par contre, ils prévoient de grosses averses avec des orages pendant toute la journée. Plutôt que de devoir faire une grosse journée sous la pluie demain, j’ai préféré pousser un peu plus aujourd’hui. J’ai donc fait ma plus grosse journée, soit presque 41km. En arrivant à l’abri, j’ai vu que quelqu’un avait monté sa tente à l’intérieur, prenant la place de 4 personnes. C’est la seconde fois que je vois ce genre d’irrespect. Sauf que cette fois, j’ai fait une réflexion. Il a fini par ranger sa tente et on a pu mettre 3 autres personnes à l’abri de la pluie pour la nuit.

J’étais extenhué à la fin de la journée, forçant sur mes genoux et voûtes plantaires. Mais je suis bien content de pouvoir dormir au sec et d’avoir moins de distance demain. Pour une reprise, c’était une sacrée journée !

Jour 83 Pluie 18 : mile 987,2

Je suis très content d’avoir dormi dans l’abri, la pluie était très intense une bonne partie de la nuit. Au matin, on sentait la flemme dans tout le monde. À 6h30, personne n’était sorti de son sac de couchage alors que c’est l’heure à laquelle les premiers randonneurs, dont moi, prennent la route. Début de journée vers 7h30 sous une pluie assez intense. C’est l’occasion de tester mon nouveau parapluie, qui fonctionne à merveille.

Après une bonne heure de route, j’arrive à un bed and breakfast qui offre du thé, des cookies, et vend des sodas, pizza et glaces. J’étais particulièrement excité pour ça ! Quand je m’approche de la porte, une femme vient m’accueillir en me disant que je dois attendre au moins une heure dehors, sous la pluie, que le petit déjeuner des clients qui ont payé 250€ la nuit soit fini, avant d’être servi. J’étais écoeuré de voir le traitement que j’ai eu par un endroit qui se définit comme « hiker friendly » (accueillant et arrangeant pour les randonneurs). J’ai entendu de nombreuses histoires à propos de cet endroit, dont certaines qui ont été confirmées par Timber que j’ai retrouvé quelques miles plus loin, après qu’il ait passé une nuit là. Il était hors de question que j’attende dans le froid et la pluie pour ce genre d’endroit. 2km plus loin, une glacière était posée le long du sentier et offrait sodas et chips. Moi qui était si déçu de ne pas avoir pu en acheter, j’étais aux anges de trouver ça, placé là par un randonneur de l’année dernière !

La pluie s’est légèrement calmée aux alentours de midi. J’ai traversé quelques pâtures avant de retourner dans la forêt. Là, j’ai vu un arbre qui ressemble à une tête de rhinocéros. Timber m’a aussi montré une fleur que l’on peut ouvrir d’une certaine manière pour récupérer une seule et unique goutte de nectar. Ce dernier est succulent ! Très floral et sucré. Une belle découverte.

J’arrive à un très bel abri dans lequel je trouve deux bières avec des petits mots laissés par les personnes qui les ont déposés là. Des randonneurs qui ont fait le sentier l’année dernière. Des petits mots d’encouragement qui font chaud au cœur, alors que la météo dégénère à nouveau. Quand l’averse passe, je me remet en route, passe sous l’autoroute 66 et entame la dernière montée de la journée. Il y avait beaucoup de rochers, et je me suis foulé la cheville gauche. C’était vraiment à un poil d’être une entorce. J’arrive néanmoins jusqu’à l’abri. Je peux marcher sur cette douleur. Quand je retire mes chaussures, je remarque une odeur absolument nauséabonde de la part de mes chaussettes, alors que je les aient lavées il y a deux jours. Je comprend rapidement que ça vient en fait de mes chaussures. L’un des chat de l’auberge de jeunesse aurait à priori pissé sur mes chaussures. C’est atroce. Je pense pouvoir faire encore 200 miles avec cette paire, donc je vais devoir endurer ça deux semaines… Un bon point pour terminer la journée tout de même : CruiseControl se balade avec 100gr de Carolina Reaper, le second piment le plus fort au monde. Je suis très sensible à tout ce qui est pimenté, et ça me donne souvent le hoquet. Néanmoins, j’ai tout de même voulu essayer. J’ai mis une pincée de ce piment concassé dans mon repas et j’ai savouré. Il trouvait que j’en avais beaucoup trop mis mais ça ne m’a pas dérangé plus que ça, même si c’était très fort. Pas de hoquet, pas de brûlure d’estomac, juste une bonne nouvelle expérience !

Jour 84 : mile 1013,5

Je me lève sur les coups de 5h, quand la pluie s’arrête enfin. J’ai passé une très bonne nuit, et le m’apprête à traverser une section que beaucoup considèrent comme la plus dure de toute l’aventure : les montagnes russes de la Virginie. Le début de journée est plutôt classique jusqu’à atteindre le fameux panneau indiquant le début des montagnes russes. C’est une section de 16km avec 10 montées et descentes assez raides. Aucune vue. Le première montée monte mon rythme cardiaque, mais je n’ai pas vu passer toutes les autres, jusqu’à la dernière qui était un peu plus raide que le reste de la section. Arrivé à la fin, je peux attester que ce n’était absolument pas aussi compliqué que ce que les autres annonçaient, et que j’ai même trouvé ça plus simple que l’état de Georgie.

Pendant cette section, j’ai atteint le mile 1000, soit 1600km. J’ai ensuite vu une tortue mais qui n’a pas voulu se faire belle pour la photo. Avant que je ne m’en rende compte, je me suis retrouvé en Virginie Occidentale. 5ème état de l’aventure, il n’est long que de 7km. En moins de 2h, j’étais de retour en Virginie pour la journée. J’étais censé m’arrêter après 22miles, mais je me sentais en forme et je ne voulais pas avoir trop de distance à faire pour arriver en ville le lendemain, donc j’ai continué. J’ai trouvé un tique en train de monter sur ma jambe mais pas encore attaché.

Au bout de 26 miles, je commençais à très sérieusement fatiguer. Je pensais continuer de marcher une bonne heure, mais j’ai fini par me rabattre vers un abri très bien entretenu par l’association qui gère le sentier. On m’a offert un bout de brownie et un canada dry. J’étais presque aux larmes tellement j’étais fatigué, content de ma journée, et touché par ce geste. 26,8 miles, soit 43km, avec un peu plus de 2000m de dénivelé positif. Une énorme journée. Je n’ai pas demandé mon reste.

Jour 85 : mile 1027,7 – Harpers Ferry

Journée importante ! Je n’ai que 14 miles pour atteindre Harpers Ferry, en Virginie Occidentale. C’est une ville importante car elle est considérée comme la ville à la moitié de l’aventure. Je marche rapidement pour l’atteindre avant midi et avoir une grosse demi journée de repos. En arrivant dans le centre, je passe au quartier général de l’Appalachian Trail Conservancy pour avoir mon polaroïd de milieu de sentier. Je découvre là que je suis le 423ème randonneur à arriver là, alors que j’étais le 881ème à démarrer l’aventure. Beaucoup de personnes ont abandonné le sentier !

Je vais m’installer dans l’auberge de jeunesse « Cross Trails », probablement l’une des meilleures depuis le début de l’aventure. Je suis rejoint par LongStride que j’ai rencontré sur le CDT l’année dernière. Il me conduit au Walmart pour faire un ravitaillement. Là, je croise Simple, un autre randonneur du CDT ! Sacrée coincidence !

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