Pour la première fois en 28 ans, je suis à l’étranger pour mon anniversaire. Le timing était parfait pour le passer en ville. Une occasion de manger de la bonne nourriture entouré de beaucoup d’autres randonneurs, avant de me mettre en route vers un canyon très intéressant. Pour pimenter un peu la section, un bel orage, des températures négatives et Un début de déshydratation !

Jour 38 : mile 344,3 – Erwin

Miss Janet

Depuis quelque jours, je suis en contact avec Miss Janet, la trail angel la plus connue de l’Appalachian Trail. Tout comme Nita du CDT et The Legend du PCT, elle fait tout ce qu’elle peut pour aider les randonneurs. J’ai réussi à m’organiser avec elle pour que nous passions la journée chez elle afin d’éviter l’orage, et de célébrer mon anniversaire. Elle a accepté. On a fait des courses puis elle est venu nous chercher pour nous déposer chez elle. Trois autres randonneurs fêtaient leurs anniversaires quelques jours plus tard et se sont joint à la fête avec leur groupe. On s’est retrouvés à un peu plus de trente !

Pinkflops, Mantis et Bob m’ont cuisiné un excellent gâteau au chocolat, et un peu tout le monde a préparé à manger : des salades, de la viande, des pâtes… Il y en avait pour tous les goûts ! Un vrai régal, et exactement ce dont nos corps ont besoin pour changer de la nourriture habituelle sur le sentier. J’ai sabré une bouteille de champagne, soufflé mes bougies alors que tout le monde chantait en français, et Janet m’a offert une paire de chaussettes Darn Tough, comme celles que j’utilise. On a vraiment passé un bon moment. Et je suis resté au sec, ce qui est fort appréciable !

Jour 39 : mile 364,5 – Erwin

En plus d’être hébergé par Miss Janet, on s’est arrangés avec elle pour faire une journée de slackpack. Comme je l’ai fait quelque fois sur le PCT, c’est le fait de faire une section sans porter de sac. Le plus souvent, c’est en s’arrangeant avec quelqu’un pour qu’il dépose nos sacs un peu plus loin sur le sentier, mais cette fois ci, on l’a fait différemment. J’ai vidé mon sac et n’ai pris avec moi qu’un peu de nourriture et de l’eau pour la journée. Elle nous a ensuite déposé au mile 364,5. De là, on a marché sur le sentier mais vers le sud afin de retourner au mile 344,3 où on s’était arrêtés la dernière fois. Ainsi, on a fait une journée d’un peu plus de 32km, avec principalement de la descente, et avec un sac très léger.

Le départ était dans une épaisse brume. Alternant des forêts d’arbres feuillus, et des forêts de pins si dense qu’il faisait très sombre. Avec la météo, ça donnait des airs très mystique au chemin, c’était vraiment plaisant. La brume s’est estompée pour laisser place à de gros nuages menaçants, mais pas de pluie. Vers midi, j’ai atteint le sommet de Beauty Spot sur lequel 6 trail angel étaient en train de faire de la trail magic. J’ai eu droit à un burger, un hotdog, des boissons et quelques gâteaux. Un régal !

Les nuages ont laissé place a un grand ciel bleu, réchauffant un peu la température. Le sentier était très cabossé par endroit mais vraiment bien entretenu sur la fin. J’ai pu voir mes premières salamandres, toutes mignonnes, un peu avant d’arriver à l’auberge de jeunesse de Uncle Johnny’s. Là, Miss Janet est venue nous chercher pour nous redéposer chez elle afin d’y passer une seconde nuit. On a cuisiné des pâtes à la carbonara, des steacks et une salade. Une fois de plus, un repas cinq étoiles pour les randonneurs que nous sommes.

Jour 40 Pluie 10 : mile 379

Une bonne nuit et un vrai petit déjeuner plus tard, Janet nous a redéposé au même endroit qu’hier afin qu’on reprenne notre route vers le nord. La journée de prévue était assez courte, a peine 14,5 miles.

Je n’avais aucune force, et aucune motivation. J’avais une petite montée pour me mettre en jambe, une descente jusqu’à un abri, puis une très longue montée jusqu’à l’abri le plus haut de toute l’aventure : Roan High Knob.

Arrivé au premier abri, j’ai fait une petite pause. En me levant, j’étais si mou et peu motivé que j’ai pris 250mg de caféine. Ça n’a pas tardé à faire effet. Sur la route, il y avait beaucoup d’ail des ours, que je grignotais comme des chips pour faire passer le temps. En même temps, je voyais de très gros nuages noirs se former sur la chaîne de montagne en face. Une grosse averse accompagnée d’un orage étaient prévus aujourd’hui, et ça n’a pas manqué. Deux heures de très intense pluie, si forte qu’en quelques secondes, j’étais trempé presque de la tête aux pieds malgré le parapluie. Le sentier s’est transformé en ruisseau.

Presque instantanément, lorsque le soleil est réapparu, la pluie a commencé à s’évaporer, créant une légère brume. Les jeux de lumières étaient assez intéressants. Par contre, j’étais si fatigué et à bout que je n’en ai pas vraiment profité. J’ai poussé jusqu’à l’abri pour pouvoir me réchauffer. C’est un abri avec deux étages qui peut théoriquement héberger 15 personnes. Il y a par contre quelques fuites dans le toit, empêchant certains emplacements d’être utilisés. Néanmoins, j’ai eu une place à l’étage.

Le vent a commencé à se lever une heure avant le coucher du soleil. Une petite tempête était prévue pour la nuit. Je suis si content d’être au sec et « au chaud » cette nuit… J’ai fait une grosse séance d’étirements et de massage car mes chevilles étaient particulièrement douloureuses, puis j’ai préparé l’un de mes meilleurs repas du sentier. Des ramen, de la purée de pommes de terre, de la poudre avec des anti-inflammatoires et des fibres de légumes, de la ciboulette et de l’ail des ours trouvés sur la route, de l’ail, du thon, du comté et 4 cuillères à soupe d’huile d’olive. Un plat particulièrement calorique. Nécessaire vu les 5,5kg que j’ai déjà perdu. C’était succulent. J’ai fini par deux chocolats chauds avant de me glisser dans mon sac de couchage, mettant fin à cette très dure journée que je n’ai pas vraiment appréciée. Seulement 1500m de dénivelé, mais quand on manque de force, c’est un calvaire.

Jour 41 : mile 395,3

Il a fait excessivement froid, même au premier étage de l’abri, avec 8 personnes. -2 degrés enregistré à l’intérieur et -5 à l’extérieur. Toutes nos bouteilles d’eau étaient congelées, et ne parlons même pas de nos vêtements de jour imbibés d’eau. Même une chaufferette dans mon sac de couchage n’était pas suffisante pour me réchauffer. J’ai tremblé une bonne partie de la nuit.

Au réveil, j’ai fait bouillir de l’eau pour manger du porridge chaud et prendre un chocolat chaud. Puis j’ai enfilé mes vêtements croustillants de glace. Je me suis rapidement mis en route pour me réchauffer tant j’étais tremblotant à cause des rafales de vent. Au moins, il ne pleut pas !

Descente progressive dans une très belle forêt avant de monter dans les hauteurs de Roan Highlands. C’est une succession de plusieurs sommets dépourvus d’arbres et proposant une vue à presque 360 degrés. La face sud des montagnes offre une vue sur l’état de Caroline du Nord alors que la Virginie est visible sur la face nord. C’était magnifique avec le lever de soleil. Je ne me suis par contre pas éternisé en haut car le vent soufflait encore plus fort.

Pendant quelques kilomètres, on enchaîne d’un mont à un autre avec toujours une très belle vue mais une exposition au vent et au froid. Malgré le soleil, je suis obligé de garder mon polaire, ma doudoune et mon bonnet. Parfois, le vent est si violent qu’il me fait trébucher sur le côté. Ça reste bien plus plaisant que la pluie d’hier, surtout qu’on a de belles vues aujourd’hui, mais le froid est omniprésent.

En début d’après-midi, je commence la longue descente de 800m, me perdant à deux reprises car il existe beaucoup de chemins. Mes genoux deviennent un peu douloureux, et le poids des 5 jours de nourriture que j’ai dans mon sac (alors que je n’en avais besoin que de deux; j’ai mal fait mon ravitaillement) ne doit pas aider. J’arrive finalement à la route sur laquelle je marche 300m pour atteindre une auberge de jeunesse. Je dormirai en tente, et profiterai du petit déjeuner souvent décrit comme le meilleur du sentier. En attendant, j’ai pris un bon burger et des frites et j’ai profité du wifi. Le vent continue par contre de souffler, et il n’existe pas un endroit à l’abri dans cette auberge de jeunesse. Même le dortoir est très froid à cause des infiltrations de vent.

Jour 42 : mile 413,7

Il n’a pas fait trop froid pendant la nuit, probablement parce que le vent s’est calmé. Le petit-déjeuner proposé par l’auberge de jeunesse est souvent considéré comme le meilleur du sentier. Et effectivement, c’était très bon ! Principalement des produits cuisinés le matin même. J’ai mangé une très grosse assiette et je me suis mis en route pour une grosse journée.

Comme à chaque sortie de ville ou de toute route principale, il faut remonter dans les hauteurs, sur un chemin assez raide. Mais une fois en haut, ce n’étaient qu’un enchaînement de petites montées et descentes. 1300m de dénivelé positif tout de même, mais plutôt simple.

J’ai fait un petit détour de 200m pour aller voir une cascade légèrement hors sentier, et un peu plus loin, je n’ai pas pu résister à la tentation de plonger dans l’eau glaciale d’une rivière. En quittant cette dernière, je quittais officiellement pour la dernière fois l’état de Caroline du Nord pour celui du Tennessee.

Après un petit 30km, j’ai atteint l’abri dans lequel je passerai la nuit. Une grande bache bleue était accrochée à l’entrée pour limiter l’exposition au vent, et c’était appréciable car il s’était à nouveau levé en cours de matinée.

Jour 43 : mile 428,5 – Hampton

Je n’ai pas très bien dormi et ca semble être le cas d’un peu tout le monde. Trop chaud en début de nuit, trop froid au matin. Néanmoins, il était temps de reprendre la route pour une plus petite journée que la veille afin de rejoindre la ville de Hampton dans laquelle je prendrai une journée de repos.

Début de journée très classique sur les sommets des montagnes jusqu’à redescendre vers une route. De là, le sentier suit la rivière de Laurel Fork sur un faux plat descendant, et un chemin très large. Quel plaisir ce genre de terrain ! Je passe plusieurs fois au-dessus grâce à de nombreux ponts en bois. Puis je me mets à longer le canyon en plein sur la falaise. En une heure à peine, le paysage a drastiquement changé. De montagnes classiques à un superbe canyon. Le sentier se met à descendre vers une grande cascade, en utilisant un escalier naturel de pierres. Un peu douloureux sur les genoux, ça en valait tout de même la peine ! Puis je suis à nouveau la rivière. Je fais la rencontre de quelques serpents et, alors que je prenais beaucoup de plaisir sur ce chemin, l’Appalachian Trail bifurque pour remonter le long de la falaise.

10, 20, 30 minutes de montée. La température augmente considérablement, atteignant des 28 degrés. La réverbération du soleil sur les pierres commence à me brûler le visage. Je me mets à suer de plus en plus. Je bois, je bois, encore et encore jusqu’à vider mes bouteilles. Je regarde la carte et remarque que je n’ai fait encore que la moitié de la montée. La prochaine source est à presque 3km. Grosse angoisse. Je me sens déjà partir en déshydratation. Le reste du groupe est devant et derrière moi, mais je ne sais pas de combien de kilomètres, donc je me force à monter jusqu’au ravitaillement en eau.

J’y arrive presque une heure plus tard, la bouche sèche et pris de vertiges. Squirrel y était encore et en aussi piteux état que moi. On a tous les deux descendu un litre d’eau saturée en solution de réhydratation, puis un second litre pur. Une bonne heure plus tard et j’étais de nouveau en forme. Il ne me restait que de la descente, une heure de marche, pour arriver à l’auberge de jeunesse. C’était une descente très progressive et plaisante, pas du genre à faire mal aux genoux. Néanmoins, sur les derniers kilomètres, ma cheville gauche a commencé à se faire ressentir. Et la douleur semblait tendineuse plus que musculaire. Le manque flagrant d’eau quelques heures auparavant en était probablement la cause.

À l’auberge de jeunesse, j’ai immédiatement bu un soda et un litre d’eau, puis j’ai mis de la glace sur mes chevilles. Une navette m’a ensuite déposé au subway puis au McDo pour que j’achète de la nourriture pour le soir et le lendemain. Le reste de la journée, c’était détente avec les autres.

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